mercredi 11 janvier 2023

 GEORGES RODENBACH

BRUGES-LA-MORTE

EDITIONS FOLIO

113 PAGES


Une procession de magnificences. 

C'est un peu la représentation que convoque mon imaginaire dans ce court roman au style inoubliable, démesurément original et à l'aura somptueusement poétique. Le temps d'une centaine de pages, je me suis perdue dans Bruges , j'ai d'ailleurs plus que flirter avec cette mélancolie voluptueuse et exacerbée décrite et voulue par l'auteur. Le manque, l'acharnement de l'amour, la solitude et les illusions sont les encensoirs de cette histoire. Une puissance ivre et envahissante s'insinue dans chaque ligne , des vibrations diffuses , une exaspération des sens font carillonner cette lecture . Une lecture "impulsion" selon moi.

Les mystères, les symboles, la grisaille des états d'âme , étrange et profond vertige de ce qui n'est plus. Tout s'accorde sur le blanc des pages , dans la monotonie d'un récit à faire revivre l'amour, "la morte".

Georges Rodenbach est un romancier , poète belge de la fin du dix-neuvième siècle. Mort jeune, à quarante trois ans il occupe une place incontestable dans le symbolisme international avec ses recueils de poésie et ce célèbre roman Bruges-La -Morte. Il se liera d'amitié avec Stéphane Mallarmé , Edmond de Goncourt ou encore Alphonse Daudet. 

Mais revenons à l'histoire..

Hugues est un veuf inconsolable. Exilé à Bruges , il traine sa déveine et sa mélancolie dans cette ville aux mille canaux. Un processus de deuil éternisé dans lequel il trouve une étrange jouissance. Seules la grisaille et les balades vespérales ont raison de son âme. Les jours passent dans cette immobilité presque sereine. Peut-être moins veuf de sa chère épouse que de l'amour lui -même. Un soir de brume, lors d'une énième marche mélancolique, son regard tombe sur une femme qui ressemble trait pour trait à sa défunte épouse . Econduit et transi , amoureux fou , Hugues va alors sombrer . Une obsession qui le conduira au glas des illusions. Un travail de persuasion qu'il va s'efforcer de vivre et de faire revivre, dans un déni total du réel. 

Un mirage, une parenthèse terrible, l'inspiration de la ressemblance , la confusion des sens, une dévotion religieuse en mémoire de fond. Ce roman est un véritable bijou tant par son style que par l'acheminement et la profondeur de son histoire. Première découverte et premier coup de coeur de l'année.

" D 'émoi, son coeur s'était presque arrêté , comme s'il allait mourir; son sang lui avait chanté aux oreilles , des mousseline blanches , des voiles de noce , des cortèges de Communiantes avaient brouillés ses yeux. Puis toute proche et noire , la tâche de la silhouette qui allait passer contre lui. Ah, ce regard qu'il n'avait jamais cru revoir, qu'il imaginait délayé dans la terre , il le sentait maintenant sur lui , posé et doux , refleuri, caressant."








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