CLAUDIE GALLAY
LES DEFERLANTES
544 PAGES
EDITIONS J'AI LU
Je suis restée là.. le livre entre les mains. Bouleversée, le coeur en naufrage , mélange d'une douleur joyeuse et d'un bonheur étrange , presque pudique, presque inexprimable. J' ai posé mes doigts , une dernière fois , sur cette couverture bleue, sur ce phare qui s'éteignait encore une fois et pour toujours.
"Les déferlantes" avaient soudainement soulevé quelque chose de moi , je ne saurais trop dire quoi, comme un mal de mer. C'était comme ça, peut-être l'enfoui , qui lui ne sera jamais rendu par la mer.
J'ai chaviré dès les premières lignes. J'ai été jeté à coups de phrases courtes , parfois non verbales dans un coin du Cotentin , la Hague, là où tout commence, là où tout fini. Sur cette pointe du monde . je me suis aventurée dans l'estuaire des croyances oubliées , une percée dans les superstitions , les traditions sur les terres de Prévert. Notre histoire, nos mémoires sont-elles des torches à longs faisceaux d'éternité?
Sommes nous ce qui revient? Le temps des souvenirs qui détruisent ou illuminent., les tempêtes qui décoiffent les chagrins.
Ce livre m'a été conseillé, je ne connaissais pas du tout l'auteure. Elle fait désormais partie de ma vie de lectrice. Ce style singulier emprunt de mystère m' a totalement charmée. C'est un véritable coup de coeur!
Oui l'intrigue est vraiment minimaliste, le récit est très lent mais il y a une telle verve nostalgique que c'est tout à fait captivant. Une osmose entre le passé et le présent où joies menues et et ferventes mélancolies claudiquent dans la longueur des jours qui se ressemblent et s'étendent à n'en plus finir. Pourtant je n'ai ressenti aucun ennui bien au contraire. Quelques personnages au destin brisé , à l'avenir incertain et tourmenté. Un passé qu'on voudrait étrangler mais qui revient de façon inattendue à la charge. Une narratrice dépourvue de prénom , qui se raconte, qui les raconte, on ne sait pas grand chose d'elle mais elle envahit l'histoire de ses histoires.
L'HISTOIRE
"Elle" c'est une femme qui a perdu un être cher et qui tente d'apaiser son chagrin en venant s'installer à la Hague. Le calme, le paysage , cette poignée d'habitants qui l'entourent vont alors de leurs secrets , réveiller sa vie. Elle est ornithologue, elle observe sur les jetées l'envol des oiseaux migrateurs. Un peu comme elle.. Et puis il y a Lambert , cet homme énigmatique et séduisant fraîchement débarqué de nul part, qu'elle rencontre ce jour de tempête noire. Il y aussi Théo , l'homme taiseux, Morgane la fille un peu excentrique qui fait valser les coeurs, Raphael le sculpteur de génie, la vieille mère inconsolable , Nan la rivale et Max. J'oubliais Lili qui tient un petit bistrot chaleureux , lieu de toutes les joies et de tous les drames. Ensemble ils vont vivre au gré des tempêtes, ils vont apprendre à se connaître , ils vont aussi réparer le passé et peut-être s' aimer un peu..
"Le vent ne siffle que lorsqu'il rencontre quelque chose. Un obstacle. Il ne siffle jamais sur la mer. L'espace le laisse silencieux."
"J'ai pensé à toi, je te perdais . Ou tu t'éloignais . Ou c'était moi. Il n'y avait pas si longtemps , je posais ma main sur ton épaule. Ta chaleur . En fermant les yeux , sans faire d'efforts je pouvais encore me blottir tout contre toi. Le temps faisait son massacre . Insidieusement . Déjà , je ne pleurais plus."