lundi 24 octobre 2022

 STEFAN ZWEIG

LETTRE D'UNE INCONNUE

NOUVELLE

80 PAGES

EDITIONS FOLIO


Une lettre troublante, ultime confession , sous le sceau du secret, un râle d'amour.

Comme une rose qui tombe sous un vent trop fort , comme une émouvante révérence , comme une âme épinglée dans l'ascension du chagrin , elle se souvient..

Les souvenirs ondoient , même pas floutés par le temps qui passe , même pas dénués de toutes leurs forces émotionnelles, sur ce papier de misère , son secret elle ne cherche plus à taire. Sa plume divague sur le galbe lisse et insensé de cette douleur délirante , presque irréelle. Dans son requiem de dévotions où chaque intention carillonne , où l'âme rode encore, où elle maraude encore ses dernières forces, elle est là, debout dans l'ombre , dans sa main, le glaive de sa dernière nuit. Un huis clos final , la révélation salvatrice de ses derniers instants, d'une vie dédiée à l'amour et au secret. 

A la frontière de l'émerveillement et de l'hébétement, je me suis posée ..

Amour inconditionnel, fusionnel, presque utopique, platonique , j'ai lu sa force d'aimer. Une telle fureur, une telle constance, une telle abnégation, cet amour capitonné dans l'éphémère, dans l'imaginaire m'a littéralement bouleversé. On y croit ou pas, la question n'est pas là. La puissance narrative de Stefan Zweig, son analyse impressionnante des sentiments sont bien au-delà de toute position existentielle. Je me suis extirpée de cette lecture, époustouflée, presque décimée de ces sentiments tièdes et sans certitudes que l'on se prête quand on croit aimer. On a du mal à imaginer que cette lettre n'est pas celle d'une femme devant cette sincérité exacerbée , cette ivresse inexorablement féminine, ce coeur dépourvu de toute rancoeur. 

L'HISTOIRE

Une jeune femme dans une situation tragique écrit à l'homme qu'elle a aimé passionnément depuis l'enfance, pour lui rappeler son histoire. De leurs trois nuits d'amour est né un enfant qu'elle a élevé seule . Elle cherche à renouer le fil de leur relation . Mais son ancien amant est un brillant séducteur , un écrivain qui jouit égoistement  des plaisirs de la vie. Pour lui, elle n'est qu'une femme parmi d'autres, pour elle , il est tout.

Cette nouvelle a été publiée en 1922, c'est l'histoire d'une obsession amoureuse aux accents de modernité, secret de succès et de longévité des oeuvres de Stefan Zweig.

EXTRAIT

" Les mains tremblantes , il reposa la lettre. Puis il réfléchit longuement. Un souvenir embrouillé remonta à la surface, celui d'une petite voisine , d'une jeune fille , d'une femme rencontrée dans un cabaret , mais ce n'était qu'un souvenir vague et confus , comme une pierre qui scintille sans forme au fond d'une eau courante. Des ombres affluèrent , refluèrent mais aucune image ne s'en dégagea . Il avait des souvenirs de sentiment et pourtant ne se souvenait pas . Son regard tomba alors sur le vase bleu posé devant lui sur le bureau . Il était vide , vide pour la première fois depuis des années le jour de son anniversaire. Un frisson de peur le parcourut : il sembla qu'une porte invisible s'était soudain ouverte et qu'un courant d'air froid venu d'un autre monde s'engouffrait dans l'espace paisible où il se trouvait. Il sentit une mort , il sentit un amour immortel , quelque chose se mit en mouvement au plus profond de son âme et il pensa à l'invisible , sans l'incarner et passionnément , comme une musique lointaine."




lundi 10 octobre 2022

 ALEXANDRE PAGE

UNE VIE D'ARTISTES

ROMAN SENTIMENTAL, HISTORIQUE

353 PAGES


" Je savourais la manière pudique dont elle mettait sa main devant sa bouche souriante , je voyais des Raphaël à chaque mouvement de ses grands yeux , grands comme ceux d'un enfant émerveillé, je devinais dans la courbe de sa poitrine les rires essoufflés sous la dentelle tremblante . Elle était le le chef-d'oeuvre  de mon petit musée , musée palpitant , plein de sève, que ne couvrait ni la poussière ni l'engourdissement des années."

Si j'aime cet extrait, ces mots, cette image?

Oh! si peu..

L'art extrême de la séduction , c'est donner l'illusion de n'être point dans la séduction.

L'art, l'amour profond, le jeu de la séduction, toutes ces expressions , tous ces prétextes qui  rendent plus vivants, qui font plus belle, la vie réelle, qui font éclater les étoiles , soulèvent les coeurs de leur brouillard couchant. Envoûtantes vapeurs qui entourent les esprits fumants en esprits luisants. Car n'existe mieux , que ce qui est regardé. C'est décidément très grisant de découvrir les maintes finesses et les diverses habilités de certains auteurs.

Bienvenue cher lecteur , dans l'univers délicatement désuet et gorgé de charme du roman d'Alexandre Page.

"Une vie d'artistes"

Les douces réminiscences des amours tendres, sensuels et pudiques à la fois , profonds et maladroits d'autrefois. Bienvenue dans le monde de l'art , celui qui célèbre le rare , la beauté , la pureté et le sublime. Celui qui tire les ficelles des sensibilités et attise les ambitions les plus ardentes et parfois quoi qu'il en coûte. L'amour, l'art, les cités idéales de nos réflexions et de nos représentations

Alexandre Page dont on ignore rien des dispositions poétiques , nous emmène dans ce nouveau roman au coeur  de l'amour candide , galant et plein de dévotion, de celui qui sauve et guérit, qui s'enveloppe de retenue , de fins frissons , d'émois à deviner et d'envies à prolonger. Et quand l'amour s'en mêle , c'est l'inspiration éternelle de l'art.

Je vous raconte enfin l'histoire!

Philéas Chasselat  est un peintre qui connut ses heures de gloire mais qui désormais a l'inspiration farceuse. Les poches bien évidemment se vident et c'est très souvent qu'esseulé , autour d'un verre de cognac, il noie sa mélancolie gettante. Mais comme la vie est un long événement imprévu, il va rencontrer Clémence Soyer, jeune artiste ambitieuse bien qu'encore dans l'anonymat. De cet amour naissant et grandissant va alors se jouer la renaissance de Philéas. Dans ce Paris fiévreux et tumultueux ils vont alors se prêter à un jeu dangereux..

Le jeu en vaudra t-il la chandelle?

Mais souvent quand vient la gloire, s'en va la mémoire dit un célèbre dicton français..

Dire que j'ai aimé serait un euphémisme , j'ai été baigné dans le charme suranné de cette belle époque.

Dans ce décor joliment posé , j'ai flirté avec l'histoire , là où le romantisme de chaque femme sommeille. En vain ai-je lutté pour y demeurer..

Les protagonistes sont subtilement esquissés dans leurs psychologies mais tout à fait inconnus dans certaines de leurs réactions , ce qui donne un piquant certain à la lecture, je n'étais sûre de rien.

Le récit est fluide et élégant , j'ai découvert un auteur assez connaisseur de la psychologie féminine.

Une lecture très agréable, qui invite à la délicatesse de l'intimité amoureuse où tout est suggéré plutôt que dévoilé. Mais au-delà de cette ambiance de savoir vivre et de savoir aimer, c'est tout une fresque sur la société de l'époque, la place de la femme dans le monde artistique, les préjugés, les libertés et l'enfermement artistique réfractaire à l'innovation et à l'émancipation. Le triomphe des petits esprits de l'époque.

Une lecture que je vous conseille chaleureusement!

PS: Il y a toujours autant sur les mots passants d'Alexandre Page , un "effet" Maupassant.








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