lundi 22 février 2021

 LAURE GOMBAULT

LE VENTRE DE VENUS

ROMAN FICTION 

INTRIGUE PSYCHOLOGIQUE

327 PAGES

AUTOEDITION


Une heure pour soi..

Une heure qui reçoit l'intime convalescence de nos turbulences , de nos vies éméchées..

Qui n'en a pas rêvé?

Une petite luxure , un court instant à effeuiller , un temps à laisser à filer comme un massage aux maillages délicats et avertis d'un éventail de doigts.

Un voyage , un témoignage tatoué à la pulpe d'un majeur au grand coeur, d'un annulaire salutaire ou d'un pouce en secousse ..

Quelques imminentes minutes contenues dans une paume huileuse , cajoleuse et ensorceleuse.

Telle une vie qui s'accomplirait sous la magie glissante de mains hardies.

Alchimie du destin et du mouvement.

Mains pleines de révélations , de traductions , de pulsions liées aux paroles enfuies

L'authentique flux d'un coeur taiseux , les mains se trompent peu.

L'art des  mains aliénées de vérités, d'amour , d'abnégation, du poids des émotions...

C' est ici bien le cas de le dire..

Des pores qui éclatent , écarlates sous les désirs et les secrets étranglés.

Des mains qui ouvrent les yeux ...

La supériorité du geste sur la parole..

Les mains?

Soyez à leurs pieds!


A ce rendez vous , vous serez lentement dirigés par les mains bienveillantes de la sublime Colette!

Et sublime est un bel euphémisme!

Dans ce trésor qu'elle va vous confier , n'oubliez pas , que sous ses mains gît un fracassant destin.

Sous les chairs malaxées vivent les mots mutilés.

Les mains s'entrechoquent et racontent..


Le ventre de Vénus est le dernier opus de Laure Gombault et le second que je découvre après "L'homme du train"

Certains auteurs ont une plume qui ne se trompe jamais d'encrier , ainsi leur style est reconnaissable entre mille.

C'est vraisemblablement vérifié avec cette auteure au style affirmé .


UNE HISTOIRE

Elle s'appelle Colette, elle est coquette et lumineuse come une comète!

Colette , ce qu'elle aime par dessus tout , c'est embellir les femmes , les masser , les maquiller , les rassurer aussi quand la vie se fait trop dure.

Elle est esthéticienne dans un petit salon qui ne paie pas de mine mais qui elle , chaque jour la ranime

La Toilette  de Vénus c'est comme ça qu'il s'appelle..

Colette est pleine de petits rituels..

Des rituels heureux puis des rituels inavouables, honteux et tabous...

Notre belle protagoniste a une particularité très visible..

Elle souffre de troubles alimentaires compulsifs , plus précisément appelés "obésité"

Elle traîne chaque jour ce corps comme une rengaine , une image avec laquelle elle a cessé de se battre.

Il est devenu le symbole de sa solitude , d'un vide à remplir , elle le maltraite , comme la vie l'a elle même maltraité...un miroir réfléchissant..

Comment Colette en est elle arrivée là?

Comment a t'on pu abuser d'une telle intégrité , d'une telle générosité, d'une telle beauté d'âme..

Comment elle avait pu laisser faire ça..

Quel regard faut il porter sur soi même pour être dans une acceptation aussi destructrice..

C'est au détour d'une rencontre inattendue que tout va alors prendre son sens..

La vie lui donnera t'elle cette chance a laquelle elle avait renoncé sans même se battre, sans même chercher ...

MON AVIS

Laure Gombault nous offre une nouvelle fois un roman poignant , saisissant de par ses thèmes récurrents et d'actualité.

-La transmission

-Les troubles alimentaires

Sujets bien incrustés et inhérents à notre société.

Les thèmes sont assez étayés en recherches.


Le personnage de Colette est travaillé minutieusement et présente un profil psychologique dans la justesse et la nuance des ressentis..

On intègre toutes les dimensions du personnage , de ses traversées solitaire à sa renaissance, de sa résignation à son combat timide , de ses crises de boulimies à sa perte fulgurante de poids , à la sagesse de ses décisions , à la clandestinité de sa personnalité...

Colette est bien une Vénus des temps modernes..


J'ai beaucoup aimé l'histoire et l'humanité qu'elle transpire , l'intrigue psychologique est bien menée même si je l'ai trouvé un peu facile par moments..

Un petit relent d'enquête a insufflé au récit un petit élan bienvenu!

La fin en revanche est assez surprenante mais elle est en fin de compte fidèle et cohérente avec l'histoire, pas de happy end à la guimauve et c'est très bien!

J'avais besoin de cette crédibilité de fin de lecture qui tout de même reste dans une note optimiste .

Une lecture où la patience est ô combien mise à rude épreuve!

Un style toujours égal à lui même..

Puissant , sonore, percutant et tout en tendresse à la fois pour ce roman.

Oui j'aime définitivement la plume de cette auteure!

PASSAGE

"Dans ces moments , je ne m'appartenais plus, j'étais concentrée sur Mme Hubert.

Là, j'avais massé son dos plus que d'habitude .

Ses contractures ne laissaient aucun doute , elle traversait une période difficile.

Ces excroissances à peine perceptibles me narguaient.

Mais elles me connaissaient mal. J' étais une coriace , elles finiraient par céder sous la pression .

Je venais à bout des systèmes nerveux les plus récalcitrants.

J'étais faible dans la vie , et une tueuse contre les attaques musculaires.

Seulement , j'étais démunie de mots .

Seules mes mains soignaient les dérèglements du coeur.

Alors je pétrissais , je malaxais , je roulais , je palpais , je détendais les chairs jusqu'à négliger les crampes de mes doigts , les douleurs de mon dos et de mon cou .

Jusqu'à nier mon souffle court et mon corps de plomb."

















dimanche 21 février 2021

 JENNIE NICOLETTO

MOTS PASSIONNELS

RECUEIL DE TEXTES COURTS

31 PAGES

AUTOEDITION


Je découvre aujourd'hui dans un huis clos de mots pulvérisés, la magie ambivalente d'une plume.

Plume aux composantes poétiques , flirtant souvent dans une ambiance irréelle et gothique.

Un plume en communion avec les addictions, la fiction, la passion , la rémission et les visions

Une réalité rivalisant avec les affres de l'âme humaine.

Les rimes sont hardies, rien n'est jamais en pointillés , les mots se suivent en ardeurs folles.

Au fil des pages, nos yeux flirtent avec le merveilleux!

Un dévolu de sensations , l'émotion est mise à nue..

Les mots entament la chair et l'esprit.

Font crever les passions!

Un vertige aux portes du ciel!

Un style littéraire, puissant !

Une lecture aux airs de survie.

A  lire sans modération aucune!






mercredi 17 février 2021

 ANNIE ERNAUX

LA HONTE

RECIT AUTOBIOGRAPHIQUE

142 PAGES

EDITIONS FOLIO

SORTIE 1997


Je l'ai comme vous, ressenti , elle a picoté mes joues , elle a étranglé ma voix, blêmit mon visage , haché mes mots, elle m'a figé et fait trembler..

Mais au delà de toutes ces manifestations extérieures , fait irruption  en moi l'inconnu d'une émotion naturelle.

Elle m'a enfoncé dans l'impuissance  et l'impossibilité de pouvoir y répondre.

Sur le socle des ressentis humains , elle est indicible , aux origines souvent ignorées et inexpliquées.

Elle, c'est la honte...

Alors parlons d'elle ...sans honte!

La honte, cette offense que l'on se fait à soi même inconsciemment , qui vous surprend au détour d'un événement et suscite une véritable réaction d'humiliation.

Ingrate, avilissante, toxique, elle piège la fragile sphère de nos prétendues connaissances de soi.

Un affront , une confusion visibles par tous et partout.

C'est du moins , ce qui est éprouvé lorsque impunément , elle nous met le feu aux joues et que l'on voudrait juste à ce moment se terrer dans un trou..


La honte, une affaire de regard , un sentiment vécu que l'on éprouve  presque jamais face à soi même mais bien face aux autres à chaque fois que nous sommes en décalage avec une réalité , des normes sociales , des pensées uniformisées.

Souvent traduite comme un traumatisme devant la réprobation, une révélation de nos différences .

La lanterne intérieure d'une certaine conscience ou prise de conscience.

Une chute, une dégringolade de soi même.

Impossible à effacer , n'appelant aucun mécanisme de réflexion , elle est la poussée involontaire qui tétanise le corps et l'âme.

L'être entier sombre dans cet inavouable , aucune issue, aucune dérobade possible.

Juste l'affronter, la canaliser ou l'ignorer..

La honte a un impact sur une multitude de traits de notre personnalité et de ses mécanismes de défense.

Une pudeur démasquée , ce que l'on a pas choisi d'être ou de vivre et que l'on subit en profonde appréhension de soi.

Se savoir su, se voir vu..

Levier de conscience, reconnaissance, atteinte à l'intimité , à l'intégrité..

Elle a souvent été l'acolyte de la faute, de l'erreur..

On peut lui prêter mille variantes.

La honte est elle un reflux de nos refoulés?

Est elle un enseignement, un espace de lucidité ?

Est elle à l'origine d'une mésestime de soi?

Mais surtout , une fois passée , la honte a t-elle bonne mémoire?

La honte , cette énigme sans résolution...


A travers ce récit bref et autobiographique, Annie Ernaux passe au crible le phénomène de la honte, de sa honte..

Elle va traquer sa mémoire , forcer le souvenir, analyser avec une précision chirurgicale ce qui l'a conduite à ce sentiment qui ne l'a plus jamais quitté.

Un incipit violent , nous jette instantanément dans le vif du sujet , nous dévoilant d'emblée la fracture de cette vie , séquence dramatique déclenchant le phénomène d'une honte fatale et collante.

Un dimanche comme tant d'autres de cette année 1952..

Un geste, une situation, une image fugace vont à tout jamais marqué l'existence d'Annie Ernaux.

Dans une cave , son père va tenter de tuer  sa mère.

Scène surréaliste , l'autrice n'évoquera que succintement  ce geste d'agression, elle ne cherche ni à le comprendre ni à l'analyser.

A ce moment précis, elle va alors basculer dans une réalité étrange et pesante, celle de la honte, en permanence , qui sera le prétexte tragique à la découverte d'un phénomène de honte sociale.

Cette année 1952, elle va s'efforcer de la revivre comme quelque chose d'inachevé , peut être même en espérant y déterrer des faits oubliés , une compréhension qu'il lui aurait échappée

Un besoin compulsif de tout passer au peigne fin dans les moindres détails.

La double difficulté de narrer et de se reconnaitre dans cet autoportrait.

Elle évoquera alors les lieux de son enfance , son éducation dans cette école catholique et ainsi les dessous de l'hypocrisie sociale et religieuse

Cette prise de conscience de sa condition sociale va devenir alors le berceau de la honte.

Elle comprendra les non dits , le poids des apparences comme un rideau qu'elle viendrait de lever.

La honte ne l'a plus jamais quitté depuis ce jour.

Forte de l'expérience du souvenir , elle nous offre un récit fort , sans fioritures.

Authentique, elle aborde de façon simple et humble la complexité de ce sujet.

Elle nous affranchit de nos propres hontes , les rendant ainsi plus légères et plus acceptables.

La honte se vit seule mais se révèle par l'autre..



"Il était normal d'avoir honte , comme d'une conséquence inscrite dans le métier de mes parents , leurs difficultés d'argent , leur passé d'ouvriers , nôtre façon d'être .

Dans la scène du dimanche de juin , la honte est devenue un mode de vie pour moi.

A la limite , je ne la percevais même plus , elle était dans le corps même/"





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samedi 6 février 2021

 JRROME IDELON

L'ENVOL DU FLAMANT ROSE

ROMAN  FICTION

186 PAGES

EDITIONS  EX AEQUO



Chers lecteurs,

Aujourd'hui soyons fous!

Allons jusqu'au bout!

Prenons notre pouls!

Serez vous, au rendez vous?

Moi ,je me dévoue!


Glissons sur cette vague d'expressions , aux beaux mots placebos , travestis en dialecte exquis...

Glissons sur la vague impression d'un monde en inversion , où les perceptions et la raison vivent en rémission , en douces oscillations.

Un monde où les émotions seraient des extrêmes onctions , des pulsions en huis clos dans le mélo d'un jargon béni et choisi.

Submergée d' ambiguités , enrubannée et escortée par ses propres mystères , elle s'envole dans sa puissante fragilité.

Dans la pluralité de ses subconscients , elle est là, solidement amarrée aux geôles de certains esprits flottants.

Trempée d'échos , elle file comme un bateau ivre à la dérive , dans l'alchimie de ses apnées.

Elle...c'est la folie , une folie décorée , une folie vérité, une folie lucidité...

Il paraît qu'elle s'appelle la bipolarité...


Un thème bien d'actualité , un mal sous diagnostiqué  mais en constante progression.

Entre ceux qui en ont pleine conscience et tous les autres qui s'ignorent encore ..


La biolarité, quel est ce mal étrange?

Les troubles bipolaires sont des troubles dits de l'humeur.

Ils contiennent souvent deux phases, maniaque et dépressive.

Entre les deux la personne atteinte retrouve un état "normal" appelé "euthymie"


L'Envol du Flamant Rose est le premier roman de Jérôme Idelon , voyageur compulsif , qui confiné comme nous tous a laissé alors son imagination prendre les voiles..

La bipolarité , il l'a poétisé , il l'a encensé , il l'a calé dans une atmosphère de puérilité sans jamais la dénigrer.

Une tactique fantastique..

Dans l'extase de ses phrases, j'ai chaviré , chahutée par toutes ces phases d'émotionnelles intensité.

Tantôt malmenée, tantôt ravigotée et émerveillée..

Je me suis incarnée en elle, j'en ai saisi toutes ses manifestations..

J'en ai pressenti toutes les éclosions..


L'HISTOIRE


Théo a dix ans , ses yeux ont la richesse et la lumière de la pureté, de la naiveté.

Devant sa petite vie déjà brisée où plus rien n'est un jeu d'enfant , il a appris à observer, à pleurer en silence , à oublier son insouciance.

Privé de père, il vit avec Rose , sa maman , son tout, son seul univers..

Univers où l'imaginaire a coulé toute réalité..

Des repères?

Sans père?

Comment faire?

Maman est une énigme lumineuse, elle est un peu folle, il le sait mais il en rigole!

Ses journées sont noyées dans les larmes qui succèdent aux rires, dans les joyeuse ivresses qui se terminent en gorgées dégrisantes de l'alcool profond de maman..

Avec l'alcool tout n'est pas si rose...

Mais avec maman tout est grand, tout est fête , tout se dance!

Des choucroutes aux fruits de mer, aux tartes aux chocolats par dizaine en passant par sa délicieuse crème anglaise on patauge dans la gourmandise quand ce n'est pas dans les pleurs..

Théo est un buvard et s'imprègne de ce qui altère , de ce qui désaltère sa maman..

Puisqu'elle est bipolaire!

Heureusement , il y a Marcus , avec lui il comprend que la mer ...n'est pas toujours agitée ou déchaînée elle a aussi la paisibilité de ses lents ressacs..

Et puis un jour sa petite vie bascule, maman est allée trop loin...


La plume de l'auteur s'est emparée de toutes les fissures de l'âme avec des jeux de mots..

C'est tellement beau!

On affronte , on joue à être naif , on banni ces vieux mots souillés qui ne soulignent plus rien , 

On fait semblant de rien..

Rire de la situation ou la déplorer?

Moi , j'ai plutôt ri et j'ai surtout compris que la folie pouvait agir là où l'humain est offensé..

J'ai aimé ces états survoltés où tout est audace et possibilités.

Un folie poétisée , un vertige insensé devant l'inertie de nos vies.

Si la vie n'était qu'un jeu de mots...

"Une distraction momentanée du langage " comme dirait Henri Bergson

La clarté d'un jeu de mots éclatant une pensée...

La folie comme porte de sortie..

La plume de Jérôme Idelon m'a séduite par son raffinement et ses tonalités poétiques.

Il a parfaitement su décrire l'état d'enfance face aux complexités du monde des adultes.

Une ironie tendre et douce se dégage de ce roman adorable!

Un roman hors temps..où l'on compose avec l'imagination débordante et surréaliste de l'auteur et la vérité d'une maladie bien réelle.

J'adore les vérités décalées et poétisées!

C'est un grand , grand coup de coeur ce roman!


PASSAGES

"Oui, parce que maman , elle s'est mise à pleurer presque tout le temps.

Il n'y a rien de plus douloureux , mais aussi beau que des larmes d'amour.

C'était tellement émouvant que je n'osais jamais l'interrompre."



"Le plus dangereux , c'est quand maman passait trop de temps dans la même pièce .

Ses mouchoirs s'amoncelaient pour former de véritables pyramides .

Leurs sommets touchaient souvent le plafond.

Il fallait alors faire attention aux éboulements quand on passait à côté .

Le risque d'avalanche était très fort.

Je n'avais pas envie d'être enseveli à mon tour sous une montagne de chagrin"











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 LE GRAND MEAULNES D'ALAIN -FOURNIER "Pour la première fois , Meaulnes sentit en lui cette légère angoisse qui vous saisit à la fin...