lundi 22 avril 2024

 LE GRAND MEAULNES

D'ALAIN -FOURNIER


"Pour la première fois , Meaulnes sentit en lui cette légère angoisse qui vous saisit à la fin des trop belles journées."

Il m'a fait le coup du " souviens toi"..

Je pensais certains souvenirs impérissables mais ce n'étais pas ça.

De la même manière que le matin apporte sa lumière, l'âge apporte la force vive de la mélancolie.

La maladie des instants vécus qui ne reviendront plus. Le mirage du présent éternel. Cette nostalgie douloureuse  qui traine ses charmes insupportables. Cette soudaine envie d'espérer , cette insolente tristesse qui berce le monde révolu de l'enfance. Ce passage à l'âge adulte avec sa lucidité à vif , la débâcle de ses rêves symboles de toutes les vies qu'on a pas eues. C'est un peu tout ça Le Grand Meaulnes. Et moi, je suis restée là, coincée dans un moment inconnu qui ne se laissait pas attraper. Oui une légère angoisse m'étreignit. J'étais complètement abrutie par  la nostalgie et la  mélancolie de ce roman. Je quittais, à la fin quelque chose qui n'existais plus , mais que j'avais terriblement reconnu . J'allais retourner à cette vie morne qui n'inscrivait plus rien dans son coeur et tout me manquait déjà affreusement. Je voulais vite retrouver cette joie tremblante de l'amitié , le débordement puissant et tendre de sa spontanéité. Ces visions de grâce qui vous laissent suspendus entre deux mondes. Ces instants simples et lumineux que la terre dans sa générosité vous octroie. Les pluies fines, le rayon du soleil qui se jette sur une vitre embuée, les vacances d'été , les chemins tortueux et les amoureux. La galette de pain brûlante , dévorée sur le bord des genoux. Les bagarres et les abracadabrantes histoires qu'on se raconte dans  les campagnes un peu trop calmes. Moins  rien ne se passe plus l'imagination s'instruit. Voilà, j'ai relu "Le Grand Meaulnes" et vous savez quoi? J'ai envie de repartir là -bas , d'ouvrir encore une fois les tiroirs de ma mémoire, de m'assoir et d'attendre la goutte d'eau qui annonce la pluie , de goûter encore à l'amitié profonde et dans une demi- obscurité deviner la lumière derrière la vitre blanchie par le rideau.

"Le Grand Meaulnes " est le seul roman d'Alain-Fournier alias Henri -Alban Fournier écrit en 1913, un an avant sa mort à l'âge de vingt-sept ans. Un roman qui restera une oeuvre majeure de la littérature classique. 

RESUME

Le narrateur François Seurel raconte l'arrivée d'un nouvel élève Augustin Meaulnes à Saint- Agathe .

Une amitié profonde va les lier , une amitié teintée de mystère et de fascination. Du haut de leur pudeur ils vont tout se dire sans jamais se l'avouer. Ce roman retrace une partie de leur adolescence. Un jour d'hiver, Meaulnes disparait. A son retour , il n'est plus le même. Qu' as t-il vu? Où est -il parti?

C' est François qui sera le dépositaire de toutes ses confidences. Un secret partagé qui va les suivre très longtemps et pour toujours.





samedi 13 avril 2024

 Myriam Giacometti

Une seconde d'inattention

418 pages

Que s'est-il passé ce jour là?

Une seconde d'inattention ou le spectre glaçant d'un mensonge?

Une dépression post-partum ou le murmure engourdissant d'un scandale familial?

Une femme fragilisée ou manipulée?

Nul ne sait vraiment qui est qui sur cette photo de famille lisse et diaboliquement parfaite.

Une seconde d'inattention qui va très vite créer un véritable séisme dans l'existence de Sophie et déterrer les plus terribles des secrets pourtant ingénieusement enfouis depuis belle lurette.

Je vous présente aujourd'hui le dernier thriller de Myriam Giacometti , autrice lorraine à grand succès puisque son second roman "Les larmes de Rose" remporte le prix des Lecteurs France Loisirs 2021.

Cela faisait un petit moment que j'avais envie de découvrir cette auteure , tous ses livres sont dans ma bibliothèque mais voilà! Une inattention résolue:

Myriam Giacometti nous offre un thriller du terroir puisque l'histoire se déroule à Hayange petite commune en Lorraine dans le pays thionvillois. Un prologue bien choisi, sur fond d'enfance, de bonheur et d'insouciance où rien n'annonce les dix-neuf années plus tard. Une histoire qui vous captive dès les premières pages, où l'angoisse et la noirceur font parfois place à des moments légers d'amitié qui ne se laissent pas oublier. L'intrigue est prenante , on a un peu les nerfs à vif et les rebondissements sont multiples et intelligemment disséminés . Certains événements passés viennent se calquer au présent et sèment la confusion totale , les liens entre les intrigues ne sont pas si évidents que ça. Les personnages nous trompent et nous manipulent , bref on sait plus trop où on en est! Surtout moi! J'ai été bluffé jusqu'à la fin ou presque. Suspense implacable malgré quelques passages de fin un peu surjoués et tirés par les cheveux, c'est le cas de le dire, vous verrez pourquoi en le lisant. La psychologie des personnages a été soignée et renseignée, un bel atout de crédibilité pour cette histoire. La plume est authentique, attachante, Myriam Giacometti manie avec brio et relief les situations de tension et celles plus édulcorées , plus légères. Une plume tout en contraste et en simplicité. Du rythme, de l'action, de l'émotion, j'ai vraiment aimé cette lecture!

RESUME

C'est l'heure des retrouvailles pour Perle, journaliste d'investigations et ses amies d'enfance toutes éparpillées par la vie. Un week-end dans le village natal, de quoi faire le plein de bonne humeur et de nostalgie. C'est avec Sophie que Perle est la plus complice, un lien d'amitié unique les lie depuis toujours. Oui mais en arrivant celle qu'elle pensait tant connaitre n'est plus du tout la même. Elle vient de donner naissance à son second enfant , sa vie de couple bat de l'aile et pour tout Sophie a une famille protocolaire et envahissante. Puis un terrible crime survient non loin de la propriété familiale. Sophie est alors la principale suspecte, c'est vrai que depuis quelques temps elle semble absente et très déprimée.

Plus personne ne la reconnait, oui mais est-ce suffisant pour commettre un tel acte d'horreur? Pourtant Sophie passe aux aveux..





lundi 1 avril 2024

ALEXANDRE PAGE

Le Fantôme des Innocents

308 pages


"Tu es poussière et tu retourneras à la poussière."

Disait Dieu à Adam dans la Genèse.

Certes, nos corps redeviendront de fines particules tournoyantes et errantes sous un halo de lumière ou emprisonnées dans le rayon tardif d'un soleil d'hiver. Seules témoins rescapées de notre passage ici-bas. 

La dissolution suprême de tout ce qui fut ou presque. Mais alors qu'en sera t-il de nos âmes? Celles là même qui animent nos corps, siège vital de notre esprit, énergie immortelle. Elle continuera à vivre sans fin de sa merveilleuse mission. Si elle n'est pas soumise à la destruction , sa transition est parfois laborieuse et tourmentée. Elle résiste et ne cède pas facilement. Elle est parfois ici et là, suspendue entre deux mondes. Elle attend sa délivrance, son expiation , ses êtres chers ou une justice pour enfin trouver le repos éternel. Chers lecteurs, je vous parle aujourd'hui du dernier roman d'Alexandre Page et c'est toujours un réel plaisir de relire la puissance de son imagination et l'élégance de son écriture. Les mystères, les symboles, la grisaille des états d'âme, cette poésie en mémoire de fond, tout s'accorde harmonieusement sur le monotone et blanc papier pour nous faire vivre une vraie belle histoire. Si vous avez déjà lu cet auteur, vous connaissez ses prédispositions pour l'écriture poétique mais aussi pour cette mélancolie qu'il étrenne dans ses récits. "Le Fantôme des Innocents" est une histoire à la fois fantastique et historique, L'auteur va nous promener dans ce célèbre cimetière parisien situé dans le quartier des Halles à l'emplacement actuel de la place Joachim -du -Belley et dans son époque de prédilection, le dix-neuvième siècle. Comme à son habitude , Alexandre Page nous surprend par son originalité et nous enchante par son style assez inclassable à vrai dire. Une singularité dans tout ce qu'il crée . L'histoire est savamment documentée , et je dois dire que j'ai été bouleversé par le premier rebondissement et la manière dont il a été relaté. Puis je n'ai plus lâché la lecture, un vrai tourbillon irréel d'évènements se succèdent sur des thèmes qui me sont chers, comme le trépas, la passion, les désillusions et la solitude.

Des vibrations envahissantes ont hanté cette lecture qui est arrivée hasardeusement ou pas dans un moment assez difficile de ma vie. J'y ai curieusement trouvé une sorte d'apaisement , j'ai vraiment flirté avec ces deux mondes tout au long de ma lecture. Ce roman est un bijou tant par son style que par l'acheminement et la profondeur de son histoire.

RESUME

Nous sommes à Paris en 1780, Eusèbe Finet est un écrivain public et un poète en mal de vers. Il loge tout près du cimetière des Innocents et son quotidien rime avec frugalité , déveine et solitude. Puis un miraculeux jour il rencontre Joséphine. De cette rencontre naitra une correspondance épistolaire et inspirée. Une salve contre la morosité et la solitude. Mais parfois certaines proses insouciantes peuvent vous conduire bien loin..





 










 

mercredi 6 mars 2024

 MARIE-LINE FRADET

RESTER DEBOUT

EDITIONS LE LYS BLEU

132 PAGES

C'est par le monde que nous naissons mais c'est souvent dans la rupture de ses processus que nous renaissons et apprenons à vivre. Le destin, la somme de nos choix, appelez comme ça comme vous voudrez , met sur notre chemin tout un éclairage de prédispositions, de dons, de ressources qu'il nous appartient de chercher et de trouver. Les déclics, les circonstances heureuses ou malheureuses , les pièges de la vie sont autant de voies qui multiplient la connaissance vers soi. Certains rendez-vous de la vie sont de vraies autopsies à vif de vos capacités , du pouvoir qui dort en vous, de votre beauté d'exister. Le livre que je vous présente aujourd'hui est un témoignage , l'histoire d'une jeune femme au destin brisé, en pleine ascension, sans protection.. Une vie éclatée , un ciel balayé , une vie qui ne tient plus qu'à un fil. Un jour, elle perd son grand amour, son autre moi. L'évidence d'une vie que l'on rencontre parfois qu'une seule fois. Puis comme un malheur n'arrive jamais seul , c'est une tumeur au cerveau qui sera diagnostiquée quelques mois plus tard. Marie-Line est aussi une jeune maman et elle comprend très vite qu'il va falloir rester debout! Comment surmonter la douleur? 

Du petit pincement , à la blessure superficielle, à la douleur d'une vie , je crois que personne ne sait!

Une recette mystérieuse, entre espoir et cris dans le noir, entre foncer tête baissée et se laisser mourir, nul ne se connait tant qu'il n'a pas souffert." Rester debout "c'est cette énergie du désespoir quand tout va mal mais qu'il faut surtout que ce ne soit pas pire. C'est toutes ces poussées de vie qui vous font encore mettre un pied devant l'autre sans trop savoir ni comment ni pourquoi.  C'est retrouver sur un chemin miné, un sentier à emprunter. Une vie pas comme les autres mais comme tant d'autres à la fois. A cette rage de vivre, à tous les mots qu'il faut pour le dire, au courage qu'il faut pour descendre en soi , pour offrir cette intimité. Dans la misère de ses jours, au fil des pages, Marie-Line Fradet nous livre un témoignage poignant, un hymne à l'amour, à tout ce qui continue de vivre dans l'absence. Dans ce baptême de douleurs résonnent les plus beaux battements de la vie. Un livre qui nous réanime et fait trembler nos propres destins. 

Un témoignage généreux, une écriture authentique, la complicité muette des grandes douleurs où les mots prolongent l'oeuvre de la vie et la préciosité des êtres. 

Et c'est sans rature j'espère que je lui déclare toute mon admiration.

A tous nos rêves croisés, manqués, à nos existences déraillées, puissent-ils tous un jour trouver la force de se réinventer.







mercredi 21 février 2024

 JEAN-CHRISTOPHE GRANGE

LE JOUR DES CENDRES

LE LIVRE DE POCHE

384 PAGES

"La religion sans la conscience morale n'est qu'un culte superstitieux"

Dixit Emmanuel Kant

Chers lecteurs, je vous présente aujourd'hui un polar signé Jean-Christophe Grangé. Le tout premier pour moi! Et comme vous l'avez sûrement deviné , l'intrigue se passe au sein d'une communauté sectaire alsacienne  vivant en autarcie, à savoir les anabaptistes. L'anabaptisme  c'est à dire rebaptiseur est un courant chrétien issu de la Réforme radicale . Cette communauté met l'accent sur le baptême des croyants à l'âge adulte et rejette l'autorité du pape . C'est une communauté connue pour son pacifisme. 

Petit warning cependant, si vous avez vu la série "les rivières pourpres" sur France 2 sachez que "Le jour des Cendres" est en effet les deux derniers épisodes de la série qui portent le même nom. 

Original ou pas?  A vous de juger!  Personnellement, j'ai particulièrement apprécié le style attractif de l'auteur, un coup de plume original, mordant et des descriptions légèrement voilées de poésie et d'un certain mysticisme. J'ai également aimé toutes ces invitations à la réflexion subtilement distillées. La trame est très cadencée et les secrets bien préservés. On est entraîné dans une spirale infernale de rebondissements, même si le roman est un peu long. Une plongée dans la noirceur humaine, l'ignorance , l'humiliation de l'intelligence humaine quand elle croit aveuglément , quand elle ferme les yeux sur l'évidence des aberrations. La chute n'est pas celle qu'on attend, mais elle a le mérite d'être surprenante. En bref, une belle découverte et un excellent moment de lecture.

RESUME

Pierre Niemans et Ivana Bogdanovic de l'Office central contre les crimes de sang sont expédiés en Alsace . Un meurtre a eu lieu au sein d'une communauté religieuse. Ivana va alors être infiltrée comme saisonnière en plein coeur des vendanges. Pierre de son côté, enquêtera à l'extérieur. 

" Dans un monde de pure harmonie , quel peut-être le mobile d'un tueur? Dans une communauté sans pêché , comment le sang peut-il couler? A moins qu'à l'inverse, ... le coupable soit le seul innocent."





dimanche 18 février 2024

 ROY JACOBSON

MER BLANCHE

EDITIONS FOLIO

La mer est sans routes, la mer est sans explications disait Alessandro Baricco , célèbre écrivain italien. Il  a les jours de tempête , le cri des eiders, l'eau ridée sous un ciel plombé. Puis il y a les bateaux qui ne résistent pas. Il y a cette île sans bord qui dessine les grandes solitudes Rester debout au creux des vagues entre terreur et exaltation , vivre ou survivre sur une jetée aux battements fracassés. Dans ces journées abrégées , la vie insulaire semble être le seul refuge contre la laideur du monde. La ronde des saisons ballote la vie et la mort dans une harmonie presque irréelle . Fragilité, sororité et rudesse rythment chaque jour qui renait. Roy Jacobson est un écrivain norvégien, "Mer blanche" fait écho à son précédent roman "Les invisibles". L'écriture est veinée de poésie , on vit au gré des éléments de la nature, on s'émeut de cette simplicité essentielle, cette vie où l'horizon est le seul rêve. Le silence est religieux et ici entre ciel et terre , les coeurs , parfois, chavirent..

Il y a plus de richesse dans ce livre que  tout les trésors de ce bas monde. Certainement , à un moment aussi, il faudra partir à la dérive. Bienvenue sur l'île de Barroy en Norvège. 

RESUME

Ingrid est une jeune trentenaire , une des rares habitantes encore sur cette île. Sur la terre de son enfance elle prépare le poisson séché, elle découpe de manière chirurgicale la morue. Elle rame, elle récolte, elle file. Elle est généreuse, solide et elle n'a peur de rien. En novembre 1944, le MS Rigel, qui transporte des troupes allemandes et des prisonniers russes coule au nord de la Norvège. Un naufragé vient s'échouer sur l'île d'Ingrid. En âme noble et charitable, elle va alors le sauver , le soigner et le cacher de l'occupant. Dans cet élan de survie, ils vont s'aimer passionnément, se le dire et puis l'écrire..

Mais la guerre n'a pas dit son dernier mot et Ingrid va être trimballée dans des aventures où la beauté de son âme ne cessera de grandir. 

Un roman hors temps , insolite, poétique. Un grand coup de coeur pour ce style puissant, plein d'images, où déborde un émerveillement éternel. Seul bémol, on s'égare parfois dans l'enchainement des événements, un peu brouillons et flous. 







vendredi 9 février 2024

 INTERVIEW D'AUTEUR

J'ai le plaisir de vous présenter aujourd'hui une interview un peu particulière puisqu'il l'auteure est une collègue. Marie-Line Fradet est une jeune infirmière passionnée et engagée. Depuis quelques jours, elle est aussi devenue une primo-romancière avec la parution de son roman autobiographique "Rester Debout"aux éditions Le Lys Bleu. 132 pages qui retracent jour après jour un chemin vers le résilience . Un livre à cœur ouvert . A cette occasion, je suis partie à sa rencontre lui poser quelques questions auxquelles elle a répondu avec sincérité et gentillesse.


Question incontournable, peux-tu te présenter à nos lecteurs ?

Je suis originaire de CLERMONT-FERRAND, comme tu peux le constater je n’ai pas bien bougé depuis puisque j’y suis toujours. J’ai passé quelques années à ROANNE mais Vercingétorix est dans mon cœur alors je suis revenue. J’ai obtenu mon bac scientifique en même temps que le concours d’entrée à l’école d’ infirmière de Vichy à l’âge de 17ans et j’ai le plaisir de travailler avec toi au  quotidien depuis 4ansbientôt. J’ai vécu presque 10ans avec le papa de mon petit Gabin avant qu’il ne décède dans un accident de moto.

J’ai un caractère bien trempé, je ne mâche pas mes mots. Mais je suis d’une nature plutôt très joyeuse (j’ai le sourire 98% temps), j’aime la vie, l’humour, les fringues, la musique, le cinéma, faire la fête et bien évidemment écrire. Je suis très sociable, spontanée et j’aime les Autres. Un peu trop parfois, on me reproche souvent de ne jamais penser à moi mais je suis comme cela et je ne suis pas sûre de vouloir changer sur ce point. Voilà comment je me décrirais, un exercice vraiment pas évident.

Tu viens de publier ton premier roman, un récit intime, une écriture cathartique. Comment un jour décide-t-on d’écrire son histoire ?

La peur de mourir. A l’annonce du cancer j’ai eu besoin d’écrire une lettre à mon fils pour lui raconter l’histoire de ses parents donc son histoire si jamais je venais a succombé à cette tumeur. Cette lettre s’est très vite transformée en plusieurs chapitres et quelques mois plus tard en roman. D’une part parce qu’il y avait beaucoup trop de sujets à aborder pour que cela soit condensé dans une lettre. Puis je me suis prise au jeu de l’écriture et c’est devenu une vraie thérapie. Je n’ai jamais eu de réelle passion dans la vie et je l’ai trouvé dans l’écriture. Enfin, je suis intimement convaincue que mon témoignage peut aider et quand je peux venir en aide je me sens toujours mieux. 

Le processus d’écriture est un double miroir, on écrit pour soi mais aussi pour les autres. Qu’elle a été l’urgence pour toi et pourquoi ?

L’urgence c’était moi, pour une fois c’était moi. J’étais extrêmement diminuée par la maladie et les traitements et il fallait que je trouve un moyen d’évacuer mes angoisses, mes peurs et mes peines pour retrouver le sourire et la force de me battre pour vivre, pour mon fils. Je passais mes journées à écrire au milieu des comprimés de chimiothérapie et les séances de radiothérapie. Lorsque j’écrivais, j’oubliais tout, je me sentais apaisée et plus le temps passait, plus j’étais combattive et plus je reprenais confiance en moi et en à la vie. Alors je me suis dit que si écrire me procurer toutes ces sensations, peut-être que de me lire provoquerait la même chose.

Écrire a été un déclic soudain ou avais-tu déjà cette envie en toi ?

Il est vrai que depuis toute petite j’avais envie d’écrire un roman un jour mais je n’ai jamais rien tenté. J’ai fait un bac scientifique et des études supérieure dans le domaine médical donc bien loin de la littérature. Mais j’ai toujours pris beaucoup de plaisir à écrire mes dissertations de philosophie et mon mémoire de fin d’étude. Donc écrire aujourd’hui et finalement peu surprenant pour moi. Je vois plutôt cela comme un accomplissement de soi. Je m’autorise à avoir une passion et à me considérer en tant que femme en dehors de mon rôle de maman et celui d’infirmière.

Quand on écrit, on est face à soi-même, est-ce que ce roman a profondément changé la perception que tu avais de toi, de ton image ou de ta personnalité ? A-t-il été un vrai révélateur ?

Je ne dirais pas que ce roman m’a profondément changé mais oui il a été très révélateur. Je dirais que je suis toujours la même aujourd’hui mais il est vrai que j’ai beaucoup appris sur moi : mes croyances, ma vision de la vie et celle de la mort. Mes priorités sont différentes et les petits soucis du quotidien ne sont plus tellement des soucis. Je relativise énormément.


Quels messages veux tu transmettre à travers ce roman ? qu’attends-tu de ton lectorat ?

Nous traversons tous des épreuves tout au long de notre vie et nous pouvons tous nous en sortir en nous accrochant et en attendant que le temps passe parce qu’il est celui qui participe activement à notre guérison. Je veux aussi rappeler que nous ne sommes pas seuls dans ses moments-là, il y a toujours quelqu’un qui est là, pas loin pour nous soutenir et nous tenir pour éviter la chute. « Après la pluie, vient le beau temps ».

Ton livre a été publié via une maison d’éditions, comment as-tu vécu cette expérience inédite ?

En réalité, j’ai été très surprise que mon manuscrit soit retenu auprès d’une maison d’édition. Les choses été très claires dès le début quant à la conception du livre avec un contrat très complet et des explications nécessaires. Ils se sont occupés de tout avec mon accord à chaque étape. La publication a été très rapide, c’est très satisfaisant et en même temps un peu déroutant. Peut-être parce que c’est le premier ouvrage, que j’ai le tract et peur de décevoir le lectorat. C’est pourquoi je regrette un peu de n’avoir eu que des contacts par mail. Beaucoup moins chaleureux et ça dresse une barrière qui est peu rassurante.

Que ressent-on quand achève un roman et qu’il est enfin dans les mains des lecteurs ?

Je suis fière de moi, pour mon fils, d’être arrivée au bout de mon projet. Mais je crains toujours de décevoir. Alors je suis plutôt très angoissée à l’idée de ne pas plaire et que mon désir d’aider les autres n’aboutisse pas.

Qu’elles sont les difficultés principales rencontrées lors de l’écriture de « Rester Debout !» ?

Réussir à mettre des touches d’humour en plein milieu du chaos. C’était ma principale difficulté, arriver à faire rire alors que moi-même j’étais en larmes derrière mon écran. Les derniers chapitres ont été beaucoup plus dures que ceux du début. C’est lorsque j’ai compris que j’avançais dans mon processus de deuil et que je recommençais à vivre sans culpabilité ou presque, que l’écriture est devenue difficile. Je culpabilisais, de ne plus me sentir coupable et j’avais un peu honte de l’écrire.

Ton livre a-t-il subi d’importants changements depuis sa première écriture ? Si oui, pourquoi ?

En effet, il a subi quelques changements depuis le début. Il a changé plusieurs fois de titre avant de s'intituler « Rester Debout ! ». C’étaient des titres plus poétiques, moins percutants et pas assez à mon image. Il y eu des mouvements dans les chapitres aussi, là où je pensais écrire mon dernier chapitre, il s’est finalement retrouvé en plein milieu du livre. Le préambule a beaucoup changé aussi parce que je n’arrivais pas décrire ma vie d’avant le drame… qui me paraissait très banale et très ennuyante.


Tu exerces le métier d’infirmière qui nécessite d’avoir les pieds bien sur terre, est ce qu’écrire t’as ancrée davantage dans cette réalité ou est-ce qu’au contraire elle t’as permise d’avoir un peu la tête dans les nuages ?

Il est vrai que je suis plutôt cartésienne de nature et que je ne crois que ce qui s’explique. Avant j’aimais dire que je ne croyais en rien puis en écrivant, j’ai compris que ne croire en rien c’était finalement croire en quelque chose. Écrire m’aide énormément à ouvrir mon esprit sur ce qui ne s’explique pas et c’est une très bonne chose.


- Tu as vingt-neuf ans, tu es la maman d’un petit garçon et en l’espace de quelques mois, tu perds l’amour de ta vie, tu apprends que tu es atteinte d’un cancer. On se demande comment c’est possible de vivre temps d’épreuves en si peu de temps.

Quelles forces insoupçonnées se mettent en place dans ces moments-là ? 

L’amour maternelle a été ma première force, une force inépuisable, qui m’a aidé à me lever et à sourire un peu tous les jours. Ma deuxième force c’est le cancer. J’ai tant voulu mourir au décès de mon conjoint que l’annonce de la tumeur m’a fait un électrochoc. J’avais peur de mourir et j’ai compris que j’aimais la vie et que je n’étais pas prête pour partir maintenant alors je me bats.

Comment as-tu appris à vivre depuis ?

Je n’ai pas réappris à vivre, je continue ma vie sans lui … je laisse mes émotions sortir comme elles veulent, là où j’étais dans le contrôle permanent avant. Je m’occupe de mon fils du mieux possible, je me bats contre la maladie, je fais quelques projets et je laisse faire le temps.- « Rester Debout ! » est un appel à la vie, un rappel au temps qui habite et abrite tous les indices de réalisations de nos existences.

Les épreuves ont-elles complétement bouleversé ton lien à la vie ?

Non, je l’aime toujours autant et j’ai toujours envie de lui sourire et d’aspirer au bonheur mais il est vrai que tous mes projets se sont écroulés et mon échéance inconnue (comme nous tous) est devenue omniprésente. J’aime la vie autant que je la crains maintenant.

Penses-tu que l’épreuve peut-être une sacrée « chance » ?

Oui, j’en suis convaincue même. Ce sont les épreuves qui nous font grandir et qui nous aident à améliorer nos quotidiens et à tirer du positif même dans la noirceur la plus profonde.

On dit souvent qu’il n’y a pas de vrai bonheur sans vraie souffrance, qu’en penses-tu ?Oui et non. Le « vrai » bonheur ? Je ne sais pas tellement ce que c’est…Je pense que l’on peut se sentir heureux et ressentir pleinement le bonheur sans forcément avoir vécu de drame avant. En revanche, je pense qu’il est plus facile de l’atteindre après avoir vécu le chaos. Parce qu’il se trouve dans les petites choses de la vie : un café sur une terrasse fleuri … le vent dans les cheveux… les rayons du soleil… le sourire de son enfant etc. …

Aujourd’hui, comment organises-tu ta vie ?

Justement elle ne l’est plus vraiment et je crois que ça me plait ainsi. Je m’adapte et je jongle avec les symptômes de la maladie, les traitements et leurs effets indésirables, mon fils, mon travail, ma famille et j’essaie d’octroyer un peu de temps à la femme que je suis.

Et bien sûr est-ce que cette aventure vers l’écriture va se poursuivre ? As-tu déjà de futurs projets ?

Oui, j’aimerai beaucoup continuer à me livrer dans un deuxième roman mais d’une façon différente. Je me lance dans l’écriture d’un roman fictif dans lequel je retranscrirai un peu la suite de

« Rester debout ! ». Continuer mon journal intime en inventant la vie de personnages fictifs.







 LE GRAND MEAULNES D'ALAIN -FOURNIER "Pour la première fois , Meaulnes sentit en lui cette légère angoisse qui vous saisit à la fin...