lundi 13 mars 2023

 LAURE GOMBAULT

VIS-A-VIS

EDITIONS SOUFFLES LITTERAIRES

115 PAGES


Dès qu'ils ont commencé à s'épier, ils ont commencé à se rendre..

Un échange étrange , un rendez-vous troublant , le vis-à-vis d'un duo cabossé. Le fil du temps s'entrelace étroitement dans l'entrebâillement d'une fenêtre qui s'ouvre et se ferme chaque soir, chaque matin . Sans rien connaître l'un de l'autre, cet instant à disposition du destin prend la forme peu à peu d'une promesse. 

Les regards furtivement se fouillent sans trop comprendre ce qu'ils viennent y chercher, ce qu'ils espèrent y trouver. Juste l'envie d'y rester accroché. Un point de chute, une joie désoeuvrée , quelques mouvements suscitant mille suppositions, l'instant béni de l'imagination sans fond. Une surveillance bienfaisante, l'énigme de deux existences , qui dans cette indiscrétion hésitante, vont se dessaisir de leurs ghettos intérieurs. L'oeil de l'autre est attendu, adoré come une idole, vouloir brusquement se revoir dans ce fabuleux miroir du vis-à-vis.

Lire certains auteurs est toujours un plaisir renouvelé, un peu comme revenir sur un lieu précieux, redécouvrir cette plume réceptacle de tous les spectacles de la vie et de toutes les complexités humaines.

C'est donc le quatrième roman de Laure Gombault que j'ai l'honneur de découvrir. Pour tout dire , je les épie! Pour ceux qui ne connaissent pas cet auteur , sachez que Laure travaille comme coordinatrice culturel pour un réseau de bibliothèques en Normandie. Elle a déjà à son actif six romans si je ne me trompe pas.

-Le ventre de Vénus

-Les Sans Gloire

-Les Interdites

-L'homme du train 

-Louise sous emprise

Et Vis-à-Vis.

Mais revenons en à notre histoire

Paris, rue de la Petite Pierre. Un homme, écorché vif , d'une sensibilité absolue , artiste dans l'âme vit reclus dans son appartement. Il écrit des articles pour des revues d'art. Volontairement vous ne saurez rien de plus de lui. Et puis il y a cette femme, venue de l'autre versant de la Méditerranée , lectrice dans l'âme, la littérature comme instinct de survie, car il s'agit bien pour elle de survie. Elle a l'accent du soleil pourtant il pleut trop fort dans son coeur. Elle aussi est cloîtrée , seule sa soeur  a un droit de visite sur son coeur. Une petite peluche accompagne ses journées et ses états d'âme. Seule spectatrice de ses pleurs, de ses angoisses et du temps qui passe. Volontairement aussi vous n'en saurez pas plus d'elle., juste qu'elle est très belle. De leur vis-à-vis, c'est tout d'abord avec les yeux qu'ils vont se parler , puis viendra peut-être le relai du coeur.  De leurs itinéraires perdus , de leurs vents contraires, le coeur souvent à terre, comment vont-ils faire pour oublier, pour épurer la douleur , désangoissé le temps, apaiser la mémoire ?

Dans ce roman de Laure Gombaults, les mots sont triés, visualisés , l'histoire est distillée tout en douceur , on apprend à vivre les personnages avec patience et tendresse. Chaque page se vit comme une révélation. Il y a "LUI" qui parle puis "ELLE" , tout le roman est scindé de leurs confidences, de leurs impressions et de leurs évolutions. Il s'adressent à nous et comme j'aime ça! Je les reçois de toute ma bienveillance et de toute mon envie de les connaître et de les aimer. L'auteur sait manier à merveille les revers de l'âme , on vacille entre légèreté et noirceur , celle des souvenirs martyrisés par le temps. J'ai retrouvé dans ce roman la force stylistique de Laure Gombault et son attrait pour l'originalité de ses thèmes. Un joli jeu de vie qui se lit !

Néanmoins faites bien attention à l'oeil importun!







vendredi 17 février 2023

 MIRELLE HDB

LA VIE SECRETE DES OBJETS

82 PAGES

AUTOEDITION


"Tout objet aimé est le centre d'un paradis" disait Novalis

Bonjour très chers êtres humains, j'espère que vous allez bien. Moi je suis très en forme puisque vous insistez généreusement. Certainement devez - vous vous demandez qui suis-je et surtout ce que j'ai à vous raconter. Plein de "choses" me sont arrivées , vous apprécierez le jeu de mots. Pour l'heure, je suis un petit livre de 82 pages, ainsi en a décidé celle qui m'a donné la vie, m'a animé de ses mots et de ses idées. Et puis des idées , elle en a! Elle s'appelle Mirelle HDB, elle est mon auteure, ma créatrice, ma bienfaitrice. J'existe grâce à son imagination et timidement mon esprit de papier glacé a réhaussé tous ses desideratas. Par la pression douce de sa plume je suis devenu le dépositaire de tout son univers. Bien entendu, j'ai un contenu. Elle m'a merveilleusement achalandé de toutes ses originales inspirations. Si vous la connaissez alors vous le savez. Cette fois, elle a mis le "chantier" sur tout mon paisible papier. Une boîte aux lettres, un vélo, un pull, une montre, une chaise et même une drôle de baguette magique. Il y en a partout! Un peu, beaucoup même, à l'image consumériste de nos chers humains. Pas évident à porter tout ça!

Mais j'ai accepté de relever le défi, celui de l'éveil des consciences. Toujours en douceur , en bienveillance Nous les objets, on nous convoite , on nous déboite, on nous possède ardemment puis on nous jette inélégamment . Comme de vieilles chaussettes, elle a oublié les chaussettes! On nous donne des petits surnoms puis on nous insulte parfois sans vergogne. On est"in" puis quelque temps plus tard, on est ringards. On marche puis on s'arrête, puis on repart , épuisants ces humains! On vient nous parler puis on nous ignore hautainement et j'en passe encore. Nous subissons ad vitam aeternam leurs caprices et leurs humeurs plus que changeantes. Il paraît aussi qu'on a pas d'âme, ils se sont vus eux? Oui nous sommes faits de verre, de bois, de pastique ou de tôle mais on ne juge pas un objet à son matériau! 

Et si, nous avons un coeur, une âme, une histoire. Vous savez quelle est notre histoire?

Notre histoire, c'est vos souvenirs. C'est les instants précieux de nos vies partagées. Quand vous avez "un coup d'objet" pour nous et que vous nous trimballez chez vous. Est ce qu'on a envie nous de vous suivre? Mais nous remplissons toujours notre rôle. On vous regarde vivre et vous nous regardez périr. Défois, nous n'avons même pas ce privilège. On se débarrasse de nous sans préavis. Vous oubliez trop souvent que comme l'être, l'objet est unique c'est pour cela que nos existences se croisent dans un moment choisi. On se reconnait.. vous nous imaginez et donc nous sommes. Malheureusement votre insatisfaction pathologique nous empêche de créer des liens pérennes. On se retrouve échoué, perdu au fond d'une poubelle, largué dans un vieux ruisseau tari, balancé au milieu des arbres ou dans une déchetterie surpeuplée . Pour les plus intelligents et nostalgiques , on atterri dans un vieux grenier en attendant. Je vous ai servi, vous m'avez oublié, vous avez oublié votre planète, elle souffre, elle suffoque, elle tente en vain d'encore vous servir et de vous protéger. Combien de temps cela va t-il encore durer? L' homme scie la branche sur laquelle il est assis. Soyez sages, vivez de l'essentiel, on peut se passer de tellement de choses si vous saviez. Allez au fond de vous et puiser votre propre sève. Redonnons un second souffle, un répit à celle qui nous remplit les poumons depuis si longtemps. Un peu de gratitude dans ce monde de brutes.


Un livre qui m'a ému par les messages forts qu'il délivre. C'est d'autant plus percutant et touchant que tout est dit avec humour et même les objets sont attendrissants, "humanisés" , personnifiés. J'aime à penser que tout ce qui nous entoure est pourvu d'une âme ou d'une énergie. J'aime  croire que tout doit être respecté. Gaspillage, surconsommation finiront par avoir raison de nous. J'ai retrouvé avec tellement de plaisir la plume futuriste, réaliste et poétique de Mirelle HDB. Une sensibilité inédite, un engagement , l'espoir aussi pour nos yeux qui ne voient plus rien.

Merci pour cette lecture qui allie l'utile à l'agréable !

Un peu comme nos objets!






lundi 13 février 2023

 ANNE-MARIE BOUGRET

L'HISTOIRE D'AMOUR D'ANNA B

223 PAGES

AUTOEDITION



"L'atmosphère soudain change du tout au tout . L'air devient plus dense . L'intensité plus réelle . La voix de Barbara s'élève , emplit l'espace. Anna commence en douceur, va puiser l'amour accumulé année après année chez la petite fille déchirée dans sa chair qui comme son père , a connu l'image du vide et du néant de l'abandon."


J'ai toujours pensé que notre façon d'aimer était une prolongation, une révélation de soi, un autre soi inconscient souvent fracassé par des années éjectées dans l'oubli infini. Très logiquement, on aime comme on voudrait être aimé ou on aime comme on peut.. L'amour, ce sentiment abrutissant qui fait baver les plumes, crier dans le noir , hurler de joie , ce mot sans définition aux mille interprétations , débordant, résistant . Ce gage que l'on croit éternel, on le poursuit, on lui survit , et il nous emporte dans son évidente trajectoire où tout finit inéluctablement. Cet étranger si familier qui dévêtit un à un les habits d'une mémoire pudique. Le chant profond d'une passion à double fond, une montée des eaux qui emporte les paisibles certitudes, qui cloue au sol et qui interrompt en plein vol. L'inconscient se désengourdit et finalement tout ne tient qu'à un fil, celui du mensonge que l'on se raconte. Une pointe au milieu du ventre, une pincée au coeur dans l'immobilité de tout les non-dits. Une histoire d'amour, oui c'est une histoire d'amour. De celle qui ne laisse plus guère le choix de se regarder en face. Une femme amoureuse qui va devoir s'affronter pour commencer  à vivre.

J'ai découvert Anne-Marie Bougret avec son roman auto-fictif , "Les souvenirs d'Anna B" où elle raconte son enfance , ce milieu familial qui a conditionné sa vie d'adultes. Ce roman m'a permis de mieux comprendre "L'histoire d'Anna B" , son caractère , son éducation et les réactions qui ont motivé les évènements. Néanmoins les deux romans peuvent tout à fait se lire indépendamment l'un de l'autre.

Un petit aparté sur l'auteure. Anne-Marie Bougret a dirigé pendant 22 ans une école de danse puis s'est réfugiée dans l'écriture. Un premier roman publié en autoédition en 2019 "Intrigue chez Virginia Woolf" scellera le début de cette toute nouvelle carrière.

Mais revenons à l'histoire.

Ce roman comme vous l'avez compris est auto-fictif et raconte une période mouvementée de la vie de l'auteure. Anna B est une femme indépendante, passionnée par son métier de professeur de danse. Elle est depuis quelques années déjà en couple avec Karim , un artiste de la coiffure. Un couple libre, à l'apparence solide et paisible. Une relation qui semble définitivement acquise. Mais les ruses  de la destinée en décideront autrement. Alors qu'ils décident d'acheter une maison , Anna va jeter son dévolu sur son notaire, plus âgé qu'elle et avec qui elle va vivre une histoire obsessionnelle, torturante mais terriblement nécessaire. Vous comprendrez pourquoi au fil de la lecture. Rien ne se vit pour rien. 

Anne -Marie Bougret nous livre avec sincérité et sans filtre son histoire d'amour , cette attraction fatale qui l'a mené au bout d'elle même. Un amour qui a tiré sur la zone encore intouchée de ses plus grandes blessures. Là où seule, elle n'aurait osé s'aventurer. Une histoire d'amour qui lui monte à la tête. Le personnage m'a parfois fais sourire, émue mais aussi  agacée dans cet élan à persister devant la mort annoncée de son histoire. Ce manque de confiance en elle, cette fragilité, cette peur de l'abandon , les séquelles de son éduction ficelle et enchaîne son histoire d'amour. Plus peur d'être quittée que de n'être plus aimée. La complexité d'aimer , elle connait et elle en parle si bien, si généreusement. C'est intime, violant  même si je n'ai pas vraiment reconnu l'amour , le vrai dans cette histoire., mais plutôt un transfert , un besoin d'amour inassouvi, une reconnaissance de la vie, une quête existentielle viscérale.







Un roman  qui questionne sur l'identité de l'amour et ses travers. Bien aimer commencera toujours par bien s'aimer.

jeudi 19 janvier 2023

 LUDMILA OULITSKAIA

LA MAISON DE LIALIA

RECUEIL DE NOUVELLES

103 PAGES

EDITIONS FOLIO


Sous les manteaux blancs et vertigineux des hivers russes , se vivent parfois de drôles d'histoires. 

Plus ardentes et enthousiastes que ce mythique climat. Les sangs froids se réchauffent et on y trouve parfois des coeurs et des corps pas encore tout à fait éteints. Des vies suspendues par l'écroulement du temps et qui se balancent dangereusement entre espoir incorrigible et optimisme irréductible. Des envies d'ivresse qu'on fait souvent patienter autour d'un thé brûlant et impérial avant de vaciller dans une volupté libératrice sous les lumières bleutées des débuts de soirées. Conjurer le désenchantement et la frénésie de vivre encore dans l'ambiance feutrée de ces maisons aux briques rouges, un huis-clos interdit, un aparté à la misère et à la morosité de la vie moscovite de l'après-guerre. L'essentiel, c'est l'atmosphère..

Et puis rien n'est jamais tragique finalement, rien n'est jamais fini..

Je vous parle aujourd'hui , d'une auteure russe que je découvre Ludmila Oulitskaia. J'aime bien le format nouvelle pour partir à la rencontre d'auteurs inconnus . Il permet une première impression assez exhaustive sur le style et l'univers imaginaire. Ludmila Oulitskaia est née dans l'Oural en 1943, elle est mariée au sculpteur Andrei Krassouline , elle a écrit de nombreuses pièces de théâtre et scénarios de films avant de se consacrer entièrement à la littérature. En 1993, paraît en France , son premier recueil de nouvelles "Les pauvres parents" d'où sont extraites les trois nouvelles que je vais vous présenter.

Des nouvelles teintées de tendresse, de sensualité, de sensibilité palpable dédiées aux faiblesses humaines , un regard sans jugement de valeurs sur les êtres, un regard juste et lucide sur la société russe contemporaine. On dit d'elle qu'elle est la digne héritière de Tchékov. Chaque nouvelle est charnelle , je dirai , une invitation à exorciser le temps qui passe dans la fusion d'un corps à corps.

Chaque nouvelle a aussi une chute insolite, inattendue qui peut laisser perplexe et que l'on aime ou pas.

La plume observe tendrement les turbulences de l'âme humaine dans un style accessible aux accents un peu poétiques parfois. Les nouvelles sont bien synthétisées, pas de longueurs lassantes ou inutiles.

Peut-être parfois la lecture à une tournure un peu rébarbative, j'ai un peu décroché pour la seconde nouvelle, j'ai davantage apprécié les deux autres.

Je vous résume de façon succinte ces trois histoires. Il faut savoir que ce sont trois portraits de femmes au crépuscule de leur jeunesse mais toujours animées par cette fébrilité charnelle et cet acharnement à ne rien céder au temps qui file.

- La maison de Lialia

Lialia est professeure de français, mariée à un homme taciturne , elle a deux enfants mais surtout elle est éprise de liberté, elle n'a aucun tabou et revendique une sexualité libre.. Un jour, un ami de son fils tombe malade, elle part le visiter . S'en suivra une relation charnelle puissante et vitale pour Lialia juqu'au jour où..

-Une vie longue, si longue

Nathalie est divorcée , sans enfant et n' a d'amour que pour ses parents, toute sa vie bascule lorsqu'ils disparaissent. Un peu recluse de la société et de ce qui l'entoure , elle va par hasard lors d'une veillée mortuaire  rencontrer Ivan , une relation qui tournera à l'addiction , elle va l'attendre tout le temps, elle n'exultera que par lui.

-Goulia

Goulia est une vieille femme belle et et un peu excentrique qui a connu la prison sous Staline. Cela ne l'a pas déstabilisé pour autant , elle conserve cet intérêt indémodable pour la vie et l'amour. Elle aime les états d'ivresse , elle vit chaque instant de façon démesurée et enjoué . Pleine d'humour et d'imagination, elle va même jusqu'à simuler un malaise pour mettre dans son lit, l'homme qu'elle toise depuis un certain temps..

Des personnages touchants , originaux , une toile de vie tissée de drames , d'illusions , d'absurde aussi. 

 La solitude, le vieillissement, le deuil tout est abordé de façon décalée , joyeuse ou tragique , une lecture brutale en émotions , on chavire un peu dans tout les extrêmes! Les montagnes russes émotionnelles!

Une lecture agréable , originale sans être un coup de coeur.












mercredi 11 janvier 2023

 GEORGES RODENBACH

BRUGES-LA-MORTE

EDITIONS FOLIO

113 PAGES


Une procession de magnificences. 

C'est un peu la représentation que convoque mon imaginaire dans ce court roman au style inoubliable, démesurément original et à l'aura somptueusement poétique. Le temps d'une centaine de pages, je me suis perdue dans Bruges , j'ai d'ailleurs plus que flirter avec cette mélancolie voluptueuse et exacerbée décrite et voulue par l'auteur. Le manque, l'acharnement de l'amour, la solitude et les illusions sont les encensoirs de cette histoire. Une puissance ivre et envahissante s'insinue dans chaque ligne , des vibrations diffuses , une exaspération des sens font carillonner cette lecture . Une lecture "impulsion" selon moi.

Les mystères, les symboles, la grisaille des états d'âme , étrange et profond vertige de ce qui n'est plus. Tout s'accorde sur le blanc des pages , dans la monotonie d'un récit à faire revivre l'amour, "la morte".

Georges Rodenbach est un romancier , poète belge de la fin du dix-neuvième siècle. Mort jeune, à quarante trois ans il occupe une place incontestable dans le symbolisme international avec ses recueils de poésie et ce célèbre roman Bruges-La -Morte. Il se liera d'amitié avec Stéphane Mallarmé , Edmond de Goncourt ou encore Alphonse Daudet. 

Mais revenons à l'histoire..

Hugues est un veuf inconsolable. Exilé à Bruges , il traine sa déveine et sa mélancolie dans cette ville aux mille canaux. Un processus de deuil éternisé dans lequel il trouve une étrange jouissance. Seules la grisaille et les balades vespérales ont raison de son âme. Les jours passent dans cette immobilité presque sereine. Peut-être moins veuf de sa chère épouse que de l'amour lui -même. Un soir de brume, lors d'une énième marche mélancolique, son regard tombe sur une femme qui ressemble trait pour trait à sa défunte épouse . Econduit et transi , amoureux fou , Hugues va alors sombrer . Une obsession qui le conduira au glas des illusions. Un travail de persuasion qu'il va s'efforcer de vivre et de faire revivre, dans un déni total du réel. 

Un mirage, une parenthèse terrible, l'inspiration de la ressemblance , la confusion des sens, une dévotion religieuse en mémoire de fond. Ce roman est un véritable bijou tant par son style que par l'acheminement et la profondeur de son histoire. Première découverte et premier coup de coeur de l'année.

" D 'émoi, son coeur s'était presque arrêté , comme s'il allait mourir; son sang lui avait chanté aux oreilles , des mousseline blanches , des voiles de noce , des cortèges de Communiantes avaient brouillés ses yeux. Puis toute proche et noire , la tâche de la silhouette qui allait passer contre lui. Ah, ce regard qu'il n'avait jamais cru revoir, qu'il imaginait délayé dans la terre , il le sentait maintenant sur lui , posé et doux , refleuri, caressant."








lundi 26 décembre 2022

 EMILE ZOLA

UNE PAGE D'AMOUR

LE LIVRE DE POCHE

450 PAGES



J'ai toujours aimé les frissons calmes des grands romans classiques.

Les lire ou les relire, c'est tomber dans un état de grâce impérissable , c'est un peu comme revenir sur le lieu chéri de notre enfance, ressusciter les souvenirs évanouis. Des souvenirs précisés par le temps et la maturité . C'est comme un jour qui décline et dont j'arrive enfin à en saisir toute les nuances.

Chaque ligne est plus belle encore que la précédente , extase intacte , émerveillement indicible d'un extrême bonheur et d'une foudroyante mélancolie. Avec Emile Zola et ce roman, ce n'est pas une page d'amour que j'ai lu mais presque cinq cent. Son inspiration, ses descriptions impressionnistes éblouissantes, attentives, minutieuses et intimistes. Il faut savoir qu'Emile Zola a fréquenté le cercle des peintres impressionnistes tels que Manet, Morisot ou Monet. Une écriture qui sacralise le banal, le quotidien de moments sonnants de beauté et de sérénité éternelles. "Une page d'amour" a une place toute particulière dans l'oeuvre des Rougon-Macquard. Il se glisse entre deux grands romans, "L'Assomoir" et "Nana". Un roman où les visages sont des paysages et les paysages des états d'âme. La flamboyance d'un Paris sous la contemplation inépuisable d'Hélène , tout ces jours où rien ne se passe, rien ne vient ombrager ce calme étrangement installé et cette petite file qui joue à la poupée , prisonnière d'une étrange lucidité. Une immobilité heureuse que rien ne vient dissiper, sauf peut-être l'ébauche invincible de la passion..

Car c'est de cela qu'il s'agit bien dans ce roman. Une passion fracassante, tapie dans ce silence inaltérable depuis bien longtemps. 

Hélène est une jeune veuve, elle est solide, équilibrée , pleine de sérénité. Elle vit dans un coquet appartement parisien avec sa fille Jeanne. Une fillette marquée par une dramatique hérédité tout comme sa tante enfermée dans un asile . Elle est nerveusement fragile , imprévisible et maladivement capricieuse. Un soir, alors qu'elle est prise de puissantes convulsions, un certain docteur Henri Deberle vient à son secours. Au fil des rencontres , une certaine intimité se noue entre lui et Hélène avec en spectre le beau désastre d'une passion naissante. Envolé le sage et raisonnable qui laissent place au spectacle hallucinant de la passion et de l'illusion..


Zola décrit cette oeuvre comme "une opposition , une halte de tendresse et de douceur", il rappelle qu'il voulait depuis longtemps étudier dans une nature de femme honnête, un coup de passion.

"Le titre veut dire cela, une page dans une oeuvre, une journée dans une vie ."

"Paris,justement,  ce matin -là avait la joie et le trouble vague de son coeur . Il y avait là un grand charme , ignorer, deviner à demi, s'abandonner à une lente initiation , avec le sentiment obscur qu'elle recommençait sa jeunesse."







dimanche 11 décembre 2022

 CHRISTINE THEPOT GAYON

COMPTER LES OISEAUX

COMPTER LES CHAPEAUX

EDITIONS 16 PLUMES

160 PAGES

SERVICE PRESSE


"L'amour ne pèse pas , cette branche ne casse que si l'oiseau posé sur elle s'envole , ce qui peut me briser , ce n'est pas que tu t'appuies trop sur moi, c'est que tu m'abandonnes."

Gustave Thibon

Il y a autant de façons d'aimer qu'il y a de coeurs. Tel un oiseau imprévisible , de son battement d'ailes , il vient en toute légèreté apaiser tout les supplices , toutes les aberrations de l'existence. Dans le monde d'aujourd'hui où tout se copie, tout se reproduit, tout est uniformité même l'amour s'ennuie. On s'aime d'habitudes, on s'aime d'expérience, on s'aime en apparence. Et puis, il y a ces "autres", ceux que l'on dit différents, déficients mentaux ceux qui avec cet esprit à l'envers, nous offre la sublime mécanique du coeur. Bien sûr, on se demandera finalement qui de eux ou de nous sont les véritables retardataires. Pour eux, quelques mots, un presque rien remplit la franchise d'un sentiment. Un serment du coeur, venu d'ailleurs, parmi les pleurs, les excessives tristesses, l'infinie solitude , leur présent de tourments et leur avenir dégringolant.

Un état d'amour commotionnant, qui semble dire" ma vie dépend de toi, il m'est impossible de respirer autrement." De ces heures tombées du ciel, l'amour est la douce énergie , le miracle muet , les paillettes d'or de chaque jour.

Ainsi, vous l'avez compris, je vous parle à cette heure d'un roman qui m'a bouleversé.

Celui de Christine Thepot Gayon, auteure qui jusque là m'était inconnue.

J'aurais donc pu ne jamais lire ce livre..

Je vous raconte l'histoire pour que vous puissiez à votre tour évaluer l'originalité du thème.

Louis Dupontvallet  est un jeune homme qui vit seul. Sa vie est une ritournelle de gestes , le chocolat chaud, les cigarettes, les visites de sa soeur adorée. Louis est prostré chez lui, il est atteint de troubles compulsifs obsessionnels. Puis un jour, une jeune femme s'installe au dessus de chez lui, elle va alors briser la morosité et la lassitude de la vie de Louis. Elle s'appelle Svetlana , elle ne parle plus , elle est atteinte des mêmes troubles que Louis. Svetlana a un papa aimant et un tuteur..

Louis va la guetter, immédiatement emporté par des sensations inconnues jusqu'ici..

Puis il va oser. Ces deux là ne pourront plus jamais se quitter. Leur amour est pureté et générosité, il fait du bien à nos âmes demandeuses. 

Et puis vous découvrirez le reste en le lisant!


Ce roman est un vrai huis clos d'amour. L'auteur aborde des sujets graves, rares en littérature, Paradoxalement, elle les aborde avec une profonde légèreté. Sa plume est vivante et émouvante.

Une histoire d'amour mais pas seulement, vous y rencontrerez plusieurs histoires qui s'imbriquent , ce sont de vrais sursauts qui manipulent subtilement la curiosité. Un vrai bouquet de sens entre pétillantes euphories et terribles drames;

J'ai beaucoup apprécié la structure du récit , la psychologie travaillée et recherchée des protagonistes. 

On est pétri de toute leur vie, de toutes leurs émotions.  Une histoire bouleversante qui pose sa propre couleur. Une sensibilité vibrante pour un sujet bien singulier. Une écoute instinctive de l'instant , la puissance du demi-mot.

Pour ce titre poétique, vous comprendrez au fur et à mesure de la lecture.

Et puis pour la sublime couverture , je laisse vos yeux s'émerveiller.

Je tire donc mon plus beau chapeau à l'auteure pour cette belle oeuvre d'originalité/

Et un immense merci pour ce service presse.

Je terminerais avec ce proverbe allemand

"L'oiseau chante comme le lui permet son bec."





























Je tire donc mon chapeau à l'auteure 

 LAURE GOMBAULT VIS-A-VIS EDITIONS SOUFFLES LITTERAIRES 115 PAGES Dès qu'ils ont commencé à s'épier, ils ont commencé à se rendre.. ...