lundi 26 octobre 2020

ALEXANDRE PAGE

PARTIR, C'EST MOURIR UN PEU

ROMAN HISTORIQUE

679 PAGES

AUTOEDITION


Sous les rayons palanqués du soleil de Crimée, sous le froid palpitant sibérien, dans les lueurs persistantes des steppes , dans la forêt boréale , dans les montagnes de l'Oural, dans les méandres de la Volga , dans les tapis de neige scintillante , j'ai traversé les décors, une époque...

Une décennie historique à la chronologie fatidique.

Un des plus grands mystères de vingtième siècle.

Une chapka sur les oreilles, du thé à la bergamote à volonté, savamment chauffé dans un samovar argenté, j'ai arpenté les couloirs immenses , épié derrière les façades ocres , flâné dans le parc à l'anglaise de la dernière demeure impériale russe .

Le palais de la famille Romanov à Pouchkine non loin de Saint Pétersbourg.

Ultime lieu de vie de Nicolas Deux , sa chère femme Alexandra et leurs cinq chérubins.

Inverser nos savoirs trop scolaires pour escalader l'autre versant de l'histoire , le moins connu forcément..

Dix années de vie de la dernière famille impériale russe entre sérénité, inébranlable quiétude , humilité saisissante réhaussée du bonheur d'aimer.

Entre épreuves, médisances, dévouement , infini courage et funeste destin.

"Partir, c'est mourir un peu

C'est mourir à ce qu'on aime :

On laisse un peu de soi -même 

En toute heure et tout lieu"

Edmond Haraucourt

Ainsi commence poétiquement l'oeuvre d'Alexandre Page.

Né à Clermont Ferrand, il est docteur en histoire de l'art , sa passion pour la Russie nous a presque tous réconciliés avec son histoire , parfois controversée ou en somme assez méconnue pour nombre d'entre nous.

Il est également l'auteur d'une thèse sur le graveur illustrateur Léopold Flameng soutenue en 2017.

Puis il y a tout juste une petite poignée de jours qu'est sorti son tout dernier roman d'aventure historique dans l'Afrique du dix neuvième siècle:

Abyssinia 

Qui paraîtra en deux volumes..

Pour tout vous avouer, c'est le premier roman purement historique que je lis ..

Vu l'important volume et le contenu très dense en informations , il m'aura fallu quelques mois pour l'achever.

Une lecture que j'ai choisi fragmentée et qui m'a permise de l'assimiler à sa juste valeur enfin je l'espère..

Ce roman m'intimidait quelque peu mais dès les premières pages , j'ai été séduite et emportée.


L'HISTOIRE

Nous sommes donc en Russie au début du vingtième siècle , en 1910 précisément sous le règne prospère du dernier tsar Nicolas Deux qui commença en 1894.

Un règne salué par de riches avancées économiques , politiques et sociales.

Nicolas Deux épousa cette même année et malgré le véto familial Alix de Hesse- Darmstadt devenue Alexandra Fedorovna Romanova , princesse allemande, petite fille de la reine Victoria , elle est très influencée par ses origines britanniques.

Pour la petite histoire on la  surnommait "sunny" grâce au sourire qu'elle présentait en toute circonstance.

De cette union avec Nicolas Deux naquirent cinq enfants.

Quatre filles et un garçon.

Olga, Tatiana , Anastasia et Marie.

Et bien sûr le tsarevitch Alexis.

En 1910, Igor Kleinenberg , fils de médecin d'origine estonienne est engagé en qualité de professeur d'allemand auprès des Grandes Duchesses.

Fort de cette opportunité , il décide de tenir une sorte de journal de bord où il va archiver de sa plume observatrice et fascinée tout ce vécu au plus près de la famille Romanov.

Des anecdotes, des observations , le doux roucoulement des jours , tout va s'éterniser de ses mots..

Le regard qu'il présente est juste et plein de lucidité aussi particulièrement concernant certains choix politiques du tsar qui se livre à lui à demi mots mais qu'il sait comprendre.

Il va faire fi des médisances et fera preuve d'un dévouement absolu à cette famille jusqu'à la fin ..


STRUCTURE DU ROMAN

Le roman est en flottaison entre deux périodes bien distinctes .

L'avant guerre et les jours heureux ,la simplicité d'une famille aimante et unie , exempte de toute ostentation de richesses , entièrement dévouée à son peuple.

Un vie comme tout à chacun avec ses joies et ses peines , ses inquiétudes et ses interrogations.

Seule la maladie du tsarevitch , hémophile fait planer une ombre considérable sur la famille qui tente de ne pas l'ébruiter..

Des rumeurs sordides sur Alexandra , sa santé chancelante alimente la presse de l'époque et l'aristocratie malveillante.


Une seconde partie , placée sous le signe de l'avènement de la révolution bolchevique , du renversement du tsar , de son exil avec sa famille , puis de leur terrible fin..

Une structure idéale pour ce beau pavé qui sans sa première partie aurait été amputé du plus beau..

Et qui aurait sans doute été plus compliqué à lire .

Le récit à la première personne était toute indiquée dans ce roman.

Les chapitres sont courts , en revanche les paragraphes un peu longs et peu aérés.


LES PERSONNAGES

Un travail d'envergure , un travail colossal a été mené par l'auteur pour nous offrir un récit au plus prés de sa juste vérité.

Des tranches de vie, des anecdotes, de l'humour et de l'émotion donnent un rendu parfaitement attachant aux personnages dans leur ensemble.

On s'imagine aisément vivre à leurs côtés, prendre part à leurs bonheurs, leurs malheurs , le récit est prenant et immersif.

Le portrait dressé de Nicolas Deux est tellement à l'opposé de tout ce qu'on a pu entendre..

Le protagoniste Igor est fictif mais j'ai cru comprendre qu'il a réellement existé et a bien été précepteur d'allemand des Grandes Duchesses mais qu'il serait reparti en 1914 avant la tragédie.

Ce personnage fait alors office de témoin vivant .


LA PLUME DE L'AUTEUR

La plume est fluide , dans un registre très classique.

Tout est précis et développé , la plume greffe admirablement les situations et les ressentis.

Le vocabulaire est riche et distingué.

Le style est posé .


Je vous partage le passage de fin sans risque de spoiler puisque celle ci n'est plus un mystère .

Il est très exhaustif  de l'ambiance du roman et de la grandeur d'âme de cette incroyable famille et de ceux qui sont restés envers et contre tout..

"Le feu et la lame ont entamé leurs corps , blessé leurs chairs , mais le 16 juillet 1918 dans les ténèbres d'une cave , onze belles âmes ont triomphé de la fureur.

Longtemps l'humanité se souviendra de ces onze martyrs et oubliera les noms de leurs bourreaux qui s'effaceront.

Pourtant , tandis que les assassins portaient leurs mains aux pistolets et aux baionnettes , le tsar demandait des chaises pour sa femme et son fils malades.

Tandis que les assassins choisissaient leurs cibles , les grandes duchesses et mademoiselle Demidova disposaient des coussins pris à la hâte pour le confort de l'impératrice et d'Alexei.

Tandis que douze assassins appuyaient sur la détente , Nastia tenait dans ses bras le petit chien qu'elle n'avait jamais voulu abandonner derrière elle.

Lorsque les mensonges auront été dissipés , que les impostures auront été démasqués , que le chagrin aura passé , l'humanité se souviendra."


Un livre qui lie l'émotion à la complexité historique.

Un grand roman que je vous invite fortement à découvrir.

La lumière est faite sur la tragédie des Romanov et leur honneur restitué à travers ce livre hommage.















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