jeudi 22 octobre 2020

 INTERVIEW D'AUTEUR

FOISE COSSON

POUR  SON ROMAN 

IN EXECELSIS

AUX EDITIONS ENCRE ROUGE



Après la lecture de son roman , que j'avais qualifié de "baffe littéraire" à très juste titre, j'avais envie de partir à sa rencontre.

Un récit en forme de témoignage, des expériences et des vérités universelles, une histoire où toutes les femmes peuvent se réunir. sont la grande force de ce roman.

Un style acquis, singulier et incisif cogne et embrase le récit de façon magistrale.

C'est l'histoire d'une femme simple, comme il y en a tant, qui à force d'être niée , piétinée, humiliée va chanter de sa voix égorgée , de ses années incinérées le plus bel hymne à la vie.

Les racines ne meurent jamais..

Foise Cosson écrit depuis une quinzaine d'années et In Excelsis est son premier roman publié.

Forte de son don d'empathie , elle greffe chaque ressenti au plus près de sa vérité.

J'ose dire que c'est un très grand coup de coeur ce livre et qu'il faut absolument le lire!

A livre ouvert, elle a généreusement accepté de répondre à mes questions et je la remercie pour ce temps précieux offert.


Ton roman puise sa force de situations réelles rencontrées dans ton parcours professionnel de dirigeante d'une association d'aides ménagères.

Une question simple et évidente, pourquoi avoir décidé d'écrire sur le sujet?


C'est pas tout à fait comme ça , Sophie l'aide ménagère a été un prétexte , le milieu où elle évoluait m'était familier , puisque j'ai pris la présidence d'une association qui avait trois salariés et qui vingts ans plus tard quand je l'ai quitté en avait trente.

C'est en fait dans ma fonction d'adjointe au maire au social que j'ai rencontré les situations difficiles dont je me suis inspirée , au contact d'assistants sociaux , de juges pour enfants, j'ai oeuvré pour aider les plus démunis et j'ai rencontré de grandes misères chez les femmes.

On ne raconte pas ces choses là à table chez soi, on en parle jamais .

Je n'avais surtout pas pensé à les écrire .

Je pensais les avoir oubliées .

On accumule au fond de soi, elles y étaient intactes.



La trame de narration de ton roman frise l'usurpation d'identité , l'émotion et la justesse impliquées sont presque autofictionnelles ..

Comment expliques tu cela?

En as tu conscience?

Je fais de l'empathie par nature.

Comme d'autres je suis née comme ça., je suis attirée par les gens qui ne trouvent pas la joie.

En écrivant à la première personne , je me suis mise dans a peau de Sophie pour aller au plus profond de sa souffrance , je n'avais pas le choix , je l'ai su très vite , je suis allée avec elle au plus haut(in excelsis) de ce que j'avais décidé d'écrire, de ce qu'elle allait supporter .

Il y a des choses que je n'ai pas racontées non pas parce que je n'avais pas les mots mais parce qu'on ne les auraient pas crues et elles n'avaient pas leur place dans le récit.

Mon premier roman qui sera publié bientôt a quatre personnages , ils parlent chacun leur tour, chacun leur chapitre..à la première personne.

Aujourd'hui, je mets mon empathie dans les personnages de mes romans , c'est la vie que je me suis choisie il ya un peu plus de quinze ans...


Comment expliques tu l'engouement du réel auprès des lecteurs en général et des tiens en particulier?

Les thèmes arborés sont des sujets de société malheureusement encore d'actualité entre autres la violence faite aux femmes mais aussi le deuil et la reconstruction de soi..


Peut être parce que je parle de vies ordinaires , de gens qui travaillent , qui ont des difficultés .

Ils sont normaux . Je ne suis ni dans le fantasme ni dans le rêve , j'ai toujours été ancrée dans la réalité parce que je regarde , j'observe et j'écoute les autres.

J'ai toujours été curieuse de la vie des autres.

Et puis au milieu des ténèbres je cherche la lumière.

Un temps j'ai accompagné des mourants parce qu'on m'avait sollicité , je me souviens d'une jeune femme condamnée à qui je n'avais pas dit que le miracle allait arriver comme lui disaient ses proches , elle souhaitait que je tienne le même langage qu'elle , elle savait qu'elle allait partir et on a échangé plusieurs fois sur ce départ proche et bien d'autres choses.

Elle était heureuse de parler avec moi . Je n'ai jamais oublié ce chemin ensemble et ce courage qu'elle m'a laissé .

Il a orienté ma vie.


D'après toi la littérature a t-elle un rôle de catharsis , de guérison?

De guérison je ne sais pas mais la littérature aide à vivre.

Pour moi la lecture et l'écriture sont liées , j'ai toujours écrit , j'ai toujours trouvé dans l'une et l'autre une raison d'exister , on m'enlève ça , on m'enlève tout..

Plonger dans une histoire , s'identifier à un personnage peut permettre de s'éloigner d'un quotidien difficile mais peut aussi nous aider à construire autre chose , à trouver d'autres rêves , à éloigner des idées fausses...

La lecture développe l'empathie et elle est nécessaire aux enfants , il faut le dire aux parents , j'ai commencé à écrire petite fille , mon besoin d'écrire est venu avec la lecture.


Selon toi que faudrait il encore pour éclater cette loi de l'omerta encore trop présente dans ces milieux de violence?

Quand les volets sont clos , que les portes sont refermées , tout peut se passer dans la sphère familiale .

On ne mettra pas la police derrière chaque porte suspecte .

Il faut éduquer .

Pour moi tout vient de l'éducation.

Un enfant à qui on apprend pas le respect de l'autre et qu'on ne respecte pas n'a pas les codes du vivre ensemble.


Quel regard portes tu sur les lois sensées protéger les femmes dans ces situations là?

Toujours selon toi, quelles en sont les failles?

Que faudrait il réviser, changer?

Le contact douloureux que tu as lié avec ces destins brisés a t-il métamorphosé ta conception de la vie, des êtres?


Ce qu'on fait de mieux dans ce domaine c'est permettre d'éloigner celui qui bat ou violente.

Avant la femme devait attraper ses mômes et se sauver en pleine nuit , c'est ce qui a fait que les femmes sont restées , elles n'avaient pas d'endroit ù aller , pas d'argent et les femmes ont toujours les enfants avec elles.

Elles ne les abandonnent pas.

Elles sont bien plus fortes qu'on veut le  laisser croire , aujourd'hui beaucoup travaillent , cela facilite leur indépendance.


Un autre thème phare de ton roman, la notion de résilience .

Cette faculté à surmonter les chocs de la vie et à continuer à réussir et à avancer..

Penses tu que cette faculté appartienne à chaque être humain ?

Pense tu sinon qu'elle puisse être enseignée , apprise?


La résilience c'est l'acceptation qui donne l'espoir.

Nous ne sommes pas tous égaux devant les traumatismes et nous n'avons pas  tous les mêmes réactions.

Je vis avec une personne qui a l'optimisme dans la peau , mo je le cherche tous les matins au réveil ..je ne peux pas dire mieux..

Il faut venir en aide aux grands traumatismes ceux qui peuvent bousiller une vie.

Je pense au viol .

J'ai lu récemment Girl d'Edna O'Brian  ou bien Mur Méditerranée , comment se reconstruire quand on sort de l'enfer.

Je me souviens de Primo Levy " vous qui vivez bien au chaud dans vos maisons" de Jorge Semprun dans l'écriture ou la vie , il écrit " je cherche la région cruciale de l'âme où le mal absolu s'oppose à la fraternité"


Parlons écriture..

Ce roman , In Excelsis, l'as tu rédigé au fur et à mesure de tes témoignages , de tes rencontres ou alors est il devenu une évidence tout à coup?

C'est ton premier roman publié , yen a t -il eu d'autres , même cachés au fond des tiroirs?

Quel est ton processus d'écriture?

De façon sporadique  ou plutôt très assidue?

Places tu des défis? Te mets tu la pression?

D'où vient essentiellement ta force créatrice?


Quand je me mets en écriture , je suis assidue.

Quand je commence un livre, In Excelsis est mon troisième , je ne déroge pas , je ne peux  pas , c'est une pelote qui se défait , je n'ai pas le choix , je tire le fil parce qu'il y a un moment où dans ma tête tout s'est construit , je suis comme beaucoup d'auteurs quand je n'écris pas , j'écris quand même.

J'aime bien dire que je suis laborieuse , je creuse mon sillon , je m'y tiens.

Ce n'est pas une pression , juste un état d'esprit.

  A partir du moment où j'ai commencé , je sais que j'irais au bout quoiqu'il arrive.

In Excelsis m'a fait passer des moments difficiles , comme Sophie je devais extirper ce qui était en moi et pour la petite histoire , j'écrivais du lundi au vendredi 4 à 5 heures par jour et le week -end j'écrivais à un marin parti faire le tour du monde , une sorte de petit journal que je voulais joyeux et léger , ce p'tit récit me sortait de cette tristesse qui parfois plombait es semaines.


On connait tous ton amour inconditionnel pour Romain Gary ..

Pourquoi lui?

Quel impact a t-il eu dans ta vie de grande amoureuse de la littérature?

D'autres références peut-être?


Ses mots me fascinent.

Quand on prend "La promesse de l'aube" on peut citer toutes les phrases , c'est une voix de conteur puissante et caressante dit Dominique Bona , sa biographe , une voix qui enveloppe et séduit , faite de force et de douceur , il m'a embarqué très tôt et a changé mon regard sur le monde , ils ne sont pas nombreux les hommes qui parlent comme lui , avec une connaissance intuitive de la féminité .

Les personnages de Gary nous donnent l'exemple afin de dépasser notre idéal.

L'éducation qu'il a reçu de sa mère n'est pas un exemple pour moi mais elle a fonctionné pour lui puisqu'il a été à la hauteur des folles espérances maternelles .

Je n'aurais pas voulu ça pour mes fils , être une mère présente aussi envahissante.

Stefan Zweig est attirant pour les mêmes raisons.

Des hommes pudiques et poétiques.

Le livre qui m'a donné envie de lire  c'est "L'empreinte du Dieu " de Maxence Van der Meersh

"Amoiti" heureux c'est être heureux"

On ne l'est jamais davantage.

Il décrit l'univers des gens qui travaillent en usine , leur vie de misère .

Il a dû m'influencer.

Pourtant c'est Aragon avec Aurélien qui m'a donné envie d'écrire des histoires..avec sa brillante étude des sentiments , l'amour , la mélancolie , le désoueuvrement sur presque huit cent pages...

Accidentée de la route quand j'avais vingt ans , j'ai lu Cervantes , Giono, Sagan bien sûr et des San Antonio , tout ce qui me tombait sous la main...


Pense tu appartenir à un genre particulier ou te sens tu capable d'écrire sur tout?

Peux tu nous parler de te projets à venir?

Un roman en gestation?

Sinon, une journée type chez Foise Cosson?


Non je ne peux pas écrire sur tout.

D'ailleurs je ne peux pas tout lire non plus.

Je n'aime pas ce qui est trop noir ou trop rose !

J'aime surtout des auteurs , je m'en rends compte quand j me jette sur le dernier livre d'un auteur aimé, j'aime retrouver son style , sa façon de raconter, de se raconter..

La ponctuation , les silences , je décortique .

Je lis de plus en plus comme un écrivain , en curieuse.

Je lis plusieurs fiis ce que je veux retenir , je note le numéro de la page sur un de mes carnets.

Et j'y retourne un jour , nostalgique , j'en fais une citation  suivant le contexte, l'humeur.

Ouien ce moment j'écris .

La découverte de Twitter me fascine ceux qu'on quitte le soir et retrouve le matin comme un voisin de palier .

Il y a les gens qu'on devine et puis ceux qui ne se livrent qu'au détour d'un événement , que la spontanéité ou la colère trahissent , comme moi qui part dans des envolées parfois..

Un jeune feme a voulu mourir ?, sur les réseaux quelqu'un la flatte , la cherche puis la trahit , elle remonte le temps , raconte et on découvre la jalousie féminine , les pièges et les charmes d'être lu immédiatement considéré ou jeté , c'est fascinant...


Je me réveille tôt avant six heures , je viens sur twitter  café à la main puis je m'occupe de ma maison .

J'écris deux heures le matin et tros quart d'heures l'après midi cinq fois par semaine ensuite je lis parfois jusqu'à une heure du matin.

Quand j'écris , j'ai une pile de livres à lire comme un réservoir , je vais à la bibliothèque où je prends cinq livres par semaine pendant longtemps j'ai relu des classiques , j'ai eu des périodes slave , grec , américaine ...

J'achète des livres neufs et d'occasion à la librairie, c'est ma pâtisserie.


Merci Foise pour la beauté et la sincérité de tes réponses.

Je suis très heureuse d'avoir croisé ton itinéraire littéraire et la belle personne que tu es.

Je te souhaite une bonne continuation et tout le succès que tu mérites.








 

















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