mercredi 10 janvier 2024

 Jean François Beauchemin

Le roitelet

Editions Folio


C'est aussi beau que le regard d'un oiseau, aussi poétique qu'une gouttelette fraichement accidentée par la rosée sur le bord tremblant d'une jeune feuille. C'est grand comme un ciel bleu palmé de violents souvenirs qui dissiperait les anciennes brumes, chaleureux comme un rayon de soleil d'été brûlant une vieille route de campagne. C'est plein du calme des heures tombées sous les rosiers ou sous un vieux chêne.  C'est l'éclat grandiose des âmes à leurs dernières lueurs lorsque loin du cours des choses, elles réapprivoisent l'essentiel. Le jeu coloré des complexités existentielles. 

Comment est-ce possible d'écrire 187 pages d'une telle beauté, d'une telle pureté d'âme sur un sujet si grave, si irréversible. Sur cette fichue maladie qu'est la schizophrénie. "Le roitelet " est le vingt troisième roman de cet auteur québécois et une découverte pour moi. Pour tout vous avouer, je suis tombée sur ce livre soigneusement caché alors que j'en cherchais un autre. Il ne devait pas se trouver là et pourtant il a marqué mon esprit à jamais, un roman solaire ou chaque mot a eu une résonnance . Comme s'il traduisait toute l'insuffisance de ma pensée.  Ce texte est autobiographique un journal intime sur le temps qui passe, celui qu'il nous reste. Un combat contre la maladie , un combat tranquille, sans fracas et plein de son sens. La souffrance est bien là, mais on l'accueille , on l'accepte, on l'entoure d'amour et de tendresse. 

Vous connaissez l'étymologie de schizophrénie?

Skhizein, fendre et phrên, esprit

Fendre l'esprit..

L'auteur raconte dans ce roman sa vie avec son petit frère cadet atteint de schizophrénie depuis l'âge de treize ans. 

Lui il est écrivain un peu en quête de soi , il y a Livia la femme d'une vie, Pablo le chien et Lennon le chat. Et puis ce frère qu'il a surnommé le roitelet parce qu'il lui faisait penser à ce petit oiseau fragile mais aussi parce qu'il désigne un roi régnant sur un pays de chimères. Tout comme lui..

Des journées rythmées de moments uniques, doux et violents. Un joyeux foutoir de souvenirs ne donnant aucun ordre à la lecture et obéissant à la mémoire de l'auteur. Des questions existentielles mais pas trop longtemps, très vite une certaine sérénité vient tout embraser , ils sont comme ça définitivement flous et poétiques. 

J'ai tellement adoré ce récit , je vous en propose quelques lignes.

" La vie passe, m'a dit mon frère ce matin une fois achevée la lecture de mon manuscrit. La vie passe , banale, insignifiante et pèse à ce point sur la pensée, le caractère de l'âme qu'elle finit par leur donner une raison d'être. Oui presque rien n'arrive dans cette histoire mais tout y a un sens."

"Même quand l'oiseau marche il sent qu'il a des ailes."










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